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Audience du 25 février
2003 à 14h15 A Madame ou
Monsieur le Président du Tribunal
d'Instance de Versailles CONCLUSIONS
PLAISE AU
TRIBUNAL Le syndicat SUD a saisi le
Tribunal de céans par requête
déposée au secrétariat du greffe aux fins
d'obtenir : l'annulation des protocoles
d'accord préélectoraux signés en
vue de l'élection des délégués du personnel
et du comité d'établissement dont
le 1 er tour doit se tenir le 6 mars prochain ; l'annulation des
élections si le jugement devait être rendu
après le 6 mars 2003. Aucune de ces demandes
n'étant fondées, elles seront rejetées. FAITS L'établissement de
Guyancourt de la société Renault s.a.s.,
dénommé Technocentre, comprend deux sites pour
l'élection des délégués du
personnel (Guyancourt et Aubevoye) et constitue un établissement
unique pour
l'élection du comité d'établissement. Ces institutions
représentatives devant faire l'objet d'un
renouvellement au mois de mars 2003, l'entreprise a invité les
organisations
syndicales représentatives à négocier les
protocoles préélectoraux en vue de
ces élections. La première
réunion de négociation s'est tenue le 15 janvier
2003. De nouvelles réunions ont
été organisées les 28 janvier et 3
février 2003, qui ont abouti à la signature par les
syndicats COC, CFTC et FO
de deux protocoles préélectoraux le 6 février 2003. C'est dans ce contexte que le
syndicat SUD, non-signataire des
dits protocoles, en conteste la validité devant le Tribunal de
céans. DISCUSSION Il semble résulter de la
requête déposée par le syndicat SUD
que celui-ci conteste : la nature de la documentation
fournie par l'entreprise pour
déterminer les effectifs à prendre en compte pour les
élections (I) ; la période de
référence retenue par l'entreprise (12 mois)
pour déterminer l'effectif à prendre en compte afin
d'arrêter le nombre de
sièges à pourvoir pour les deux élections (2) ; le fait que les salariés
mis à disposition par les entreprises
extérieures ne soient pas électeurs au comité
d'établissement (3). L'on examinera successivement
ces différents moyens afin de
démontrer qu'ils ne sont pas fondés. 1. Sur les documents à
remettre par
l'entreprise 1.1. La requête avance "la
direction de RENAULT; dans
un document du 3 février 2003, nous indique
par collège sur les
sites de Guyancourt et d'Aubevoye les effectifs : RENA ULT;
intérimaires
et prestataires automobile. Les effectifs automobiles
présentés par la direction sont
incontrôlables, aucun document ne nous a été fourni
par la direction si ce
n'est en date du 31/1/2003,
le nombre de sociétés prestataires
contactées. De plus, la direction de RENA
ULT ne nous a fourni aucun document en ce qui concerne la
répartition par
collège de ces salariés mis à disposition de
l'entreprise. " Comme on le démontrera,
Renault a bien mis à la disposition
des organisations syndicales les documents nécessaires à
la vérification du
calcul des effectifs. Mais, en fait, le syndicat SUD entend en obtenir
une
copie. Or, l'on rechercherait bien
vainement dans les textes légaux
ou dans la jurisprudence la trace d'une obligation de remettre aux
organisations syndicales une copie des documents ayant servi au calcul
des
effectifs; 1.2. Les articles L. 421-2 (DP)
et L. 431-2 (CE) du Code du
Travail prévoient les catégories de salariés qui
sont inclues ou exclues de la
détermination de l'effectif pour les élections des
délégués du personnel et du
comité d'entreprise. Le texte qui peut servir de
support à l'obligation de
justifier des effectifs retenus serait l'article L. 423-18 du Code du
Travail
(DP) ou L. 433-13 du Code du Travail (CE) qui oblige l'employeur
à négocier le
protocole préélectoral. En effet, dans la mesure
où une telle obligation existe et où
le protocole préélectoral mentionne le nombre de
représentants à élire, lequel
est fonction de l'effectif de l'entreprise, il paraît conforme,
pour remplir
l'obligation de négocier de bonne foi, que l'employeur
établisse les documents
servant de support à la détermination desdits effectifs. En revanche, cela ne veut
aucunement dire qu'il soit tenu de
remettre une copie des documents en cause à chaque organisation
syndicale,
alors qu'il n'est d'ailleurs même pas tenu de remettre des copies
du livre
d'entrée et de sortie du personnel. Au contraire, au sein de
Renault, s'est de tout temps
développé un usage différent. Compte tenu de la
taille des établissements et du
nombre d'organisations syndicales appelées à
négocier le protocole, l'employeur
expose aux délégués syndicaux sa méthode de
détermination des effectifs et met
à disposition des organisations syndicales les documents
justificatifs, celles-ci
pouvant, quand elles le souhaitent, les consulter sur place. Cette méthode qui met les
organisations syndicales en mesure
de contrôler la réalité et le bien fondé des
chiffres avancés par l'employeur
assure parfaitement le respect de l'obligation de négocier de
bonne foi. Cette méthode s'impose
particulièrement au sein de
l'établissement du Technocentre qui compte, si l'on se
réfère aux protocoles
préélectoraux, plus de 9.000 électeurs et six
organisations syndicales - ce qui
représenterait une masse considérable de documents
à dupliquer . De surcroît, si la loi
impose de décompter dans les effectifs
des tiers à l'entreprise (intérimaires, salariés
mis à disposition par des
entreprises extérieures), elle impose aussi à
l'entreprise d'assurer la confidentialité
des informations concernant les entreprises tierces et/ou les
salariés de ces
entreprises (directive 95/46 du 24 octobre 1995). La seule méthode
concevable pour concilier l'obligation de
négocier de bonne foi et le respect de la confidentialité
due aux salariés des
entreprises extérieures qu'elles mettent à disposition
est de permettre une
consultation sur place par les organisations syndicales des documents
concernant les salariés des prestataires. En décider autrement en
imposant la remise d'une copie de ces
documents reviendrait à faciliter la divulgation d'informations
confidentielles, ce qui est contraire à l'obligation de
respecter la vie privée
et, notamment, aux dispositions de la directive 95/46 du 24 octobre
1995, qui
définit les informations protégées comme
étant les données à caractère
personnel, c'est à dire, selon l'article 2 de 1a directive, "toute
information concernant une personne physique identifiée ou
identifiable ". 1.3. En l'espèce, la
remise au syndicat SUD d'une copie des documents
afférents aux salariés des entreprises
extérieùres s'impose d'autant moins que
ce syndicat qui s'était vu offrir, comme toutes les autres
organisations
syndicales, la possibilité de consulter sur place les documents
litigieux n'a
jamais usé de cette faculté. Le Tribunal constatera donc que
Renault a parfaitement rempli
son obligation vis à vis des organisations syndicales et qu'il
n'y a pas lieu
de communiquer à celles-ci une copie des documents concernant
les salariés mis
à disposition par les entreprises extérieures et encore
moins d'annuler les
protocoles préélectoraux ou les élections de ce
chef. 2. Sur la période de
référence pour l'appréciation
des effectifs Il semblerait que la
requête ne conteste pas la méthode de
détermination des effectifs concernant les salariés des
entreprises extérieures
mis à disposition de l'établissement du Technocentre. L'on rappellera qu'à
l'occasion des précédentes élections qui
se sont déroulées en 2001, un contentieux relatif
à l'élection des délégués du
personnel uniquement a opposé la direction et les syndicats SUD
et CGT sur
l'effectif des prestataires à prendre en compte, litige qui a
été réglé par un
accord unanime, sous l'égide de Monsieur Hamon, expert
désigné par le Tribunal
de céans. Cet accord prévoyait que
les salariés des entreprises
extérieures à prendre en compte pour la
détermination du nombre de sièges à
pourvoir étaient ceux des métiers de l'automobile. L'on observera que ce même
critère a été repris dans un accord
collectif du 29 novembre 2002 négocié et conclu au plan
central de Renault. Cet accord dénommé
"Charte" fixe "les
principes directeurs sur les critères de prise en compte des
salariés mis à
disposition dans les établissements Renault s.a.s. par des
entreprises
extérieures servant de référence aux protocoles
d'accord préélectoraux pour les
élections professionnelles dans les établissements". Il prévoit, en son
article 2, que les prestataires concernés
sont ceux "relevant des métiers de l'automobile et, en tout
état de
cause, de l'activité principale de l'établissement. " La contestation
élevée par le syndicat SUD ne paraît pas
porter sur ce point mais sur la durée de présence des
salariés des
prestataires. En effet, l'accord auquel
avaient abouti les parties, à
l'issue du contentieux les opposant, mentionnait que ces
salariés étaient pris
en compte dans les effectifs dès lors qu'ils avaient
été présents douze mois au
cours des quinze derniers mois. Aujourd'hui, les protocoles
préélectoraux mentionnent que les
salariés des entreprises extérieures sont pris en compte
au prorata de leur
temps de présence durant les douze derniers mois. Il s'agit là d'une
application pur~ et simple de la loi et de
la Charte du 29 novembre 2002. En effet, les articles L. 421-2
(DP) et L. 431-2 (CE)
prévoient que "(...) les travailleurs mis à
disposition (...) par
une entreprise extérieure sont pris en compte dans l'effectif de
l'entreprise
au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des
douze mois
précédents. " L'article 3 de la Charte du 29
novembre 2002 reprend des
dispositions analogues. Dans ce contexte, l'on voit mal
en quoi les protocoles
préélectoraux signés au sein de
l'établissement du Technocentre qui ne sont que
le strict reflet de la loi et de l'accord collectif signé au
plan de l'entreprise
pourraient être taxés d'illégalité. On le voit d'autant moins que,
par rapport au précédent
protocole, la disposition litigieuse des nouveaux protocoles
préélectoraux
paraît élargir l'effectif à prendre en compte et
non le réduire. En effet, au regard des
règles posées en 2001, pour être pris
en compte dans l'effectif, il fallait à un salarié mis
à disposition au moins
douze mois de présence sur une période de quinze mois. Aujourd'hui, aucune condition de
présence minimale n'est
requise puisque le salarié est comptabilisé dans les
effectifs dès lors qu'il a
été présent à un moment dans les douze
derniers mois. L'on comprend donc mal, en droit
comme en fait, la critique
formulée par le syndicat SUD, critique qui ne pourra
qu'être rejetée. 3. Sur l'électorat des
salariés des entreprises
extérieures 3.1. Pour les élections
des délégués du personnel, les
salariés mis à disposition par les entreprises
extérieures sont considérés
comme électeurs (p. 7 § 1 de l'accord DP) ainsi que cela
avait été prévu pour
les élections de 2001. Il s'agit là d'une
application pure et simple de la
jurisprudence de la Cour de Cassation: les salariés mis à
disposition d'une
entreprise sont électeurs pour les élections de
délégués du personnel dès lors
qu'ils sont soumis aux mêmes conditions de travail que les
salariés de
l'entreprise d'accueil (Cass. Soc. 4 fév. 1982, pourvoi na
81-60.678). Tel est le cas, en
l'espèce, ainsi que l'avaient d'ailleurs
unanimement reconnu les organisations syndicales représentatives
lors de la
signature du protocole de 2001 puisqu'elles avaient fait des
salariés
prestataires des électeurs aux élections de
délégués du personnel. 3.2. S'agissant des
élections au comité d'établissement, le
protocole préélectoral a retenu que les salariés
des prestataires ne seraient
pas électeurs. Il s'agit là aussi d'une
application pure et simple de la
jurisprudence de la Cour de Cassation qui considère que ces
salariés, qui
doivent être pris en compte dans les effectifs dès lors
qu'ils participent au
processus de travail de l'entreprise d'accueil, n'ont pas à
être considérés
comme électeurs car ils "n'ont pas le même
intérêt que ceux de
l'entreprise utilisatrice au sort et à la gestion d'une
entreprise dont ils ne
partagent pas les aléas" (Cass. Soc. 7 juin 1984,
arrêt na 1561, Laupy
et autre ci Sté Continent). Le protocole
préélectoral ne saurait donc être critiqué
pour
ne pas avoir conféré aux salariés des entreprises
extérieures la qualité
d'électeurs. Au demeurant, l'on soulignera
que, lors des précédentes
élections, les mêmes principes ont été
retenus, les prestataires n'ayant pas
été électeurs aux élections de
comité d'établissement mais ayant, en revanche,
été électeurs aux élections de
délégués du personnel. 3.3. C'est en vain que le
syndicat se prévaut du jugement rendu
par le Tribunal d'Instance de Rouen le 10 février dernier. Il faut, en effet, noter que,
dans cette affaire opposant les
syndicats CGT et SUD à l'établissement de Grand Couronne,
c'est l'employeur qui
avait proposé l'inscription des salariés prestataires sur
les listes
électorales en l'absence de protocole préélectoral. Cette analyse de l'employeur,
plus favorable que la
jurisprudence et la loi, a été admise par le Tribunal
alors que le syndicat SUD
notamment s'y opposait, et tentait de faire annuler l'élection
par ce biais. En l'occurrence, existe un
protocole préélectoral signé par
trois organisations syndicales sur six Les signataires ont
majoritairement décidé de faire une
application stricte de la jurisprudence de la Cour de Cassation suivant
en cela
les principes posés par la Charte du 29 novembre 2002 qui
prévoit que, sauf si
le protocole pré électoral conclu au sein de
l'établissement en décide
autrement, les salariés des entreprises extérieures ne
sont pas électeurs. L'on ne saurait donc reprocher
aux signataires d'avoir, en
l'espèce, appliqué strictement la loi et encore moins
annuler pour ce motif les
protocoles et/ou les élections. PAR CES MOTIFS Rejeter les demandes
présentées par le syndicat SUD ; Statuer ce que de droit sur les
dépens. SOUS TOUTES
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