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Audience du 25 février 2003 à 14h15

A Madame ou Monsieur le Président

du Tribunal d'Instance de Versailles

CONCLUSIONS

POUR:

RENAUL T s.a.s., établissement du Technocentre

Ayant pour Avocat

Maître Yasmine Tarasewicz

Avocat au Barreau de Paris Cabinet Proskauer Rose

68, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris

Tel. 01 53 05 6000

Fax 01 53056005

Vest.1043

CONTRE

Le syndicat SUD

1, avenue du Golf

78288 Guyancourt Cedex

API TCR MOD 023

Représenté par :

Monsieur Martinez

EN PRÉSENCE DE :

 

1) Syndicat CFDT

1, avenue du Golf

78288 Guyancourt Cedex

API TCR LOG 050

 

2) Syndicat CFE CGC

1, avenue du Golf

78288 Guyancourt Cedex

API TCR LOG 056

 

3) Syndicat CGT -FO

1, avenue du Golf

78288 Guyancourt Cedex

API TCR LOG 054

 

4) Syndicat CFTC

 1, avenue du Golf

78288 Guyancourt

Cedex API TCR LOG 052

 

5) Syndicat CGT

1, avenue du Golf

78288 Guyancourt

Cedex API TCR OG 058

PLAISE AU TRIBUNAL

Le syndicat SUD a saisi le Tribunal de céans par requête déposée au secrétariat du greffe aux fins d'obtenir :

l'annulation des protocoles d'accord préélectoraux signés en vue de l'élection des délégués du personnel et du comité d'établissement dont le 1 er tour doit se tenir le 6 mars prochain ;

l'annulation des élections si le jugement devait être rendu après le 6 mars 2003.

Aucune de ces demandes n'étant fondées, elles seront rejetées.

FAITS

L'établissement de Guyancourt de la société Renault s.a.s., dénommé Technocentre, comprend deux sites pour l'élection des délégués du personnel (Guyancourt et Aubevoye) et constitue un établissement unique pour l'élection du comité d'établissement.

Ces institutions représentatives devant faire l'objet d'un renouvellement au mois de mars 2003, l'entreprise a invité les organisations syndicales représentatives à négocier les protocoles préélectoraux en vue de ces élections.

La première réunion de négociation s'est tenue le 15 janvier 2003.

De nouvelles réunions ont été organisées les 28 janvier et 3 février 2003, qui ont abouti à la signature par les syndicats COC, CFTC et FO de deux protocoles préélectoraux le 6 février 2003.

C'est dans ce contexte que le syndicat SUD, non-signataire des dits protocoles, en conteste la validité devant le Tribunal de céans.

DISCUSSION

Il semble résulter de la requête déposée par le syndicat SUD que celui-ci conteste :

la nature de la documentation fournie par l'entreprise pour déterminer les effectifs à prendre en compte pour les élections (I) ;

la période de référence retenue par l'entreprise (12 mois) pour déterminer l'effectif à prendre en compte afin d'arrêter le nombre de sièges à pourvoir pour les deux élections (2) ;

le fait que les salariés mis à disposition par les entreprises extérieures ne soient pas électeurs au comité d'établissement (3).

L'on examinera successivement ces différents moyens afin de démontrer qu'ils ne sont pas fondés.

1. Sur les documents à remettre par l'entreprise

1.1. La requête avance "la direction de RENAULT; dans un document du 3 février 2003, nous indique par collège sur les sites de Guyancourt et d'Aubevoye les effectifs : RENA ULT; intérimaires et prestataires automobile.

Les effectifs automobiles présentés par la direction sont incontrôlables, aucun document ne nous a été fourni par la direction si ce n'est en date du 31/1/2003, le nombre de sociétés prestataires contactées. De plus, la direction de RENA ULT ne nous a fourni aucun document en ce qui concerne la répartition par collège de ces salariés mis à disposition de l'entreprise. "

Comme on le démontrera, Renault a bien mis à la disposition des organisations syndicales les documents nécessaires à la vérification du calcul des effectifs. Mais, en fait, le syndicat SUD entend en obtenir une copie.

Or, l'on rechercherait bien vainement dans les textes légaux ou dans la jurisprudence la trace d'une obligation de remettre aux organisations syndicales une copie des documents ayant servi au calcul des effectifs;

1.2. Les articles L. 421-2 (DP) et L. 431-2 (CE) du Code du Travail prévoient les catégories de salariés qui sont inclues ou exclues de la détermination de l'effectif pour les élections des délégués du personnel et du comité d'entreprise.

Le texte qui peut servir de support à l'obligation de justifier des effectifs retenus serait l'article L. 423-18 du Code du Travail (DP) ou L. 433-13 du Code du Travail (CE) qui oblige l'employeur à négocier le protocole préélectoral.

En effet, dans la mesure où une telle obligation existe et où le protocole préélectoral mentionne le nombre de représentants à élire, lequel est fonction de l'effectif de l'entreprise, il paraît conforme, pour remplir l'obligation de négocier de bonne foi, que l'employeur établisse les documents servant de support à la détermination desdits effectifs.

En revanche, cela ne veut aucunement dire qu'il soit tenu de remettre une copie des documents en cause à chaque organisation syndicale, alors qu'il n'est d'ailleurs même pas tenu de remettre des copies du livre d'entrée et de sortie du personnel.

Au contraire, au sein de Renault, s'est de tout temps développé un usage différent. Compte tenu de la taille des établissements et du nombre d'organisations syndicales appelées à négocier le protocole, l'employeur expose aux délégués syndicaux sa méthode de détermination des effectifs et met à disposition des organisations syndicales les documents justificatifs, celles-ci pouvant, quand elles le souhaitent, les consulter sur place.

Cette méthode qui met les organisations syndicales en mesure de contrôler la réalité et le bien fondé des chiffres avancés par l'employeur assure parfaitement le respect de l'obligation de négocier de bonne foi.

Cette méthode s'impose particulièrement au sein de l'établissement du Technocentre qui compte, si l'on se réfère aux protocoles préélectoraux, plus de 9.000 électeurs et six organisations syndicales - ce qui représenterait une masse considérable de documents à dupliquer .

De surcroît, si la loi impose de décompter dans les effectifs des tiers à l'entreprise (intérimaires, salariés mis à disposition par des entreprises extérieures), elle impose aussi à l'entreprise d'assurer la confidentialité des informations concernant les entreprises tierces et/ou les salariés de ces entreprises (directive 95/46 du 24 octobre 1995).

La seule méthode concevable pour concilier l'obligation de négocier de bonne foi et le respect de la confidentialité due aux salariés des entreprises extérieures qu'elles mettent à disposition est de permettre une consultation sur place par les organisations syndicales des documents concernant les salariés des prestataires.

En décider autrement en imposant la remise d'une copie de ces documents reviendrait à faciliter la divulgation d'informations confidentielles, ce qui est contraire à l'obligation de respecter la vie privée et, notamment, aux dispositions de la directive 95/46 du 24 octobre 1995, qui définit les informations protégées comme étant les données à caractère personnel, c'est à dire, selon l'article 2 de 1a directive, "toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable ".

1.3. En l'espèce, la remise au syndicat SUD d'une copie des documents afférents aux salariés des entreprises extérieùres s'impose d'autant moins que ce syndicat qui s'était vu offrir, comme toutes les autres organisations syndicales, la possibilité de consulter sur place les documents litigieux n'a jamais usé de cette faculté.

Le Tribunal constatera donc que Renault a parfaitement rempli son obligation vis à vis des organisations syndicales et qu'il n'y a pas lieu de communiquer à celles-ci une copie des documents concernant les salariés mis à disposition par les entreprises extérieures et encore moins d'annuler les protocoles préélectoraux ou les élections de ce chef.

2. Sur la période de référence pour l'appréciation des effectifs

Il semblerait que la requête ne conteste pas la méthode de détermination des effectifs concernant les salariés des entreprises extérieures mis à disposition de l'établissement du Technocentre.

L'on rappellera qu'à l'occasion des précédentes élections qui se sont déroulées en 2001, un contentieux relatif à l'élection des délégués du personnel uniquement a opposé la direction et les syndicats SUD et CGT sur l'effectif des prestataires à prendre en compte, litige qui a été réglé par un accord unanime, sous l'égide de Monsieur Hamon, expert désigné par le Tribunal de céans.

Cet accord prévoyait que les salariés des entreprises extérieures à prendre en compte pour la détermination du nombre de sièges à pourvoir étaient ceux des métiers de l'automobile.

L'on observera que ce même critère a été repris dans un accord collectif du 29 novembre 2002 négocié et conclu au plan central de Renault.

Cet accord dénommé "Charte" fixe "les principes directeurs sur les critères de prise en compte des salariés mis à disposition dans les établissements Renault s.a.s. par des entreprises extérieures servant de référence aux protocoles d'accord préélectoraux pour les élections professionnelles dans les établissements".

Il prévoit, en son article 2, que les prestataires concernés sont ceux "relevant des métiers de l'automobile et, en tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement. "

La contestation élevée par le syndicat SUD ne paraît pas porter sur ce point mais sur la durée de présence des salariés des prestataires.

En effet, l'accord auquel avaient abouti les parties, à l'issue du contentieux les opposant, mentionnait que ces salariés étaient pris en compte dans les effectifs dès lors qu'ils avaient été présents douze mois au cours des quinze derniers mois.

Aujourd'hui, les protocoles préélectoraux mentionnent que les salariés des entreprises extérieures sont pris en compte au prorata de leur temps de présence durant les douze derniers mois.

Il s'agit là d'une application pur~ et simple de la loi et de la Charte du 29 novembre 2002.

En effet, les articles L. 421-2 (DP) et L. 431-2 (CE) prévoient que "(...) les travailleurs mis à disposition (...) par une entreprise extérieure sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des douze mois précédents. "

L'article 3 de la Charte du 29 novembre 2002 reprend des dispositions analogues.

Dans ce contexte, l'on voit mal en quoi les protocoles préélectoraux signés au sein de l'établissement du Technocentre qui ne sont que le strict reflet de la loi et de l'accord collectif signé au plan de l'entreprise pourraient être taxés d'illégalité.

On le voit d'autant moins que, par rapport au précédent protocole, la disposition litigieuse des nouveaux protocoles préélectoraux paraît élargir l'effectif à prendre en compte et non le réduire.

En effet, au regard des règles posées en 2001, pour être pris en compte dans l'effectif, il fallait à un salarié mis à disposition au moins douze mois de présence sur une période de quinze mois.

Aujourd'hui, aucune condition de présence minimale n'est requise puisque le salarié est comptabilisé dans les effectifs dès lors qu'il a été présent à un moment dans les douze derniers mois.

L'on comprend donc mal, en droit comme en fait, la critique formulée par le syndicat SUD, critique qui ne pourra qu'être rejetée.

3. Sur l'électorat des salariés des entreprises extérieures

3.1. Pour les élections des délégués du personnel, les salariés mis à disposition par les entreprises extérieures sont considérés comme électeurs (p. 7 § 1 de l'accord DP) ainsi que cela avait été prévu pour les élections de 2001.

Il s'agit là d'une application pure et simple de la jurisprudence de la Cour de Cassation: les salariés mis à disposition d'une entreprise sont électeurs pour les élections de délégués du personnel dès lors qu'ils sont soumis aux mêmes conditions de travail que les salariés de l'entreprise d'accueil (Cass. Soc. 4 fév. 1982, pourvoi na 81-60.678).

Tel est le cas, en l'espèce, ainsi que l'avaient d'ailleurs unanimement reconnu les organisations syndicales représentatives lors de la signature du protocole de 2001 puisqu'elles avaient fait des salariés prestataires des électeurs aux élections de délégués du personnel.

3.2. S'agissant des élections au comité d'établissement, le protocole préélectoral a retenu que les salariés des prestataires ne seraient pas électeurs.

Il s'agit là aussi d'une application pure et simple de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui considère que ces salariés, qui doivent être pris en compte dans les effectifs dès lors qu'ils participent au processus de travail de l'entreprise d'accueil, n'ont pas à être considérés comme électeurs car ils "n'ont pas le même intérêt que ceux de l'entreprise utilisatrice au sort et à la gestion d'une entreprise dont ils ne partagent pas les aléas" (Cass. Soc. 7 juin 1984, arrêt na 1561, Laupy et autre ci Sté Continent).

Le protocole préélectoral ne saurait donc être critiqué pour ne pas avoir conféré aux salariés des entreprises extérieures la qualité d'électeurs.

Au demeurant, l'on soulignera que, lors des précédentes élections, les mêmes principes ont été retenus, les prestataires n'ayant pas été électeurs aux élections de comité d'établissement mais ayant, en revanche, été électeurs aux élections de délégués du personnel.

3.3. C'est en vain que le syndicat se prévaut du jugement rendu par le Tribunal d'Instance de Rouen le 10 février dernier.

Il faut, en effet, noter que, dans cette affaire opposant les syndicats CGT et SUD à l'établissement de Grand Couronne, c'est l'employeur qui avait proposé l'inscription des salariés prestataires sur les listes électorales en l'absence de protocole préélectoral.

Cette analyse de l'employeur, plus favorable que la jurisprudence et la loi, a été admise par le Tribunal alors que le syndicat SUD notamment s'y opposait, et tentait de faire annuler l'élection par ce biais.

En l'occurrence, existe un protocole préélectoral signé par trois organisations syndicales sur six

Les signataires ont majoritairement décidé de faire une application stricte de la jurisprudence de la Cour de Cassation suivant en cela les principes posés par la Charte du 29 novembre 2002 qui prévoit que, sauf si le protocole pré électoral conclu au sein de l'établissement en décide autrement, les salariés des entreprises extérieures ne sont pas électeurs.

L'on ne saurait donc reprocher aux signataires d'avoir, en l'espèce, appliqué strictement la loi et encore moins annuler pour ce motif les protocoles et/ou les élections.

PAR CES MOTIFS

Rejeter les demandes présentées par le syndicat SUD ;

Statuer ce que de droit sur les dépens.

SOUS TOUTES RESERVES

 

 

 

 

 



 

 



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