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TRIBUNAL D'INSTANCE DE VERSAILLES

MINUTE N° 6/2003

 

RG n° 11-03-325

 

Extrait des Minutes du Greffe

du Tribunal d'instance de Versailles

 

JUGEMENT

CONTENTIEUX DES ELECTIONS

PROFESSIONNELLES

 

TRIBUNAL D'INSTANCE DE VERSAILLES

A l'audience publique de ce Tribunal, tenue le 28 Février 2003,

Au nom du peuple français,

Il a été rendu la décision suivante :

PARTIE DEMANDERESSE :

SYNDICAT SUD RENAULT ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288 - GUYANCOURT CEDEX
représenté par Monsieur Alain MARTlNEZ, muni d'un pouvoir

PARTIES DEFENDERESSES :

SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX
représenté par Me Yasmine TARASEWICZ, Avocat au Barreau de PARIS

SYNDICAT CFDT

SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288 - GUYANCOURT CEDEX
représenté par Monsieur Claude PATFOORT, muni d'un pouvoir

SYNDICAT CFE-CGC

SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX
représenté par Monsieur Marcel SARPAUX

SYNDICAT FORCE OUVRIERE

SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288 - GUYANCOURT CEDEX
représenté par Monsieur Patrick DIOT, muni d'un pouvoir

SYNDICAT CFTC

SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX
représenté par Olivier DEBESSE, muni d'un pouvoir

SYNDICAT CGT

SOCIETE RENAULT SAS ETALISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX représenté par Monsieur Vincent NEVEU et

Assisté de Me Hervé TOURNIQUET, Avocat au Barreau de NANTERRE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président :                Madame Soleine HUNTER-FALCK
Greffier :                   Madame Catherine GUILLAUME, Agent Administratif Assermenté, faisant                                fonction de Greffier

DEBATS
: À l'audience publique du 25 Février 2003, le Tribunal a entendu les parties et a mis l'affaire en délibéré.
Madame le Président a indiqué que le jugement serait rendu le 28 Février 2003.

EXPOSE DU LITIGE :

Par requête enregistrée au greffe le 12.02.03, le syndicat SUD RENAULT a saisi le Tribunal d'Instance de Versailles en contestation des protocoles d'accord préélectoraux élaborés en vue des élections professionnelles sur les sites de GUYANCOURT et AUBEVOYE ainsi que des élections des membres du comité d'établissement de GUYANCOURT-AUBEVOYE prévues pour se tenir le 06.03.03, en se prévalant du protocole d'accord signé entre l'employeur et l’ensemble des organisations syndicales le 23.03.01. Ce document prévoyait la prise en compte du personnel détaché ou mis à disposition dans l’entreprise pour autant que les salariés comptabilisaient une présence au sein de la société RENAULT de 12 mois au cours des 15 derniers mois.

Il a fait valoir au soutien de sa demande que si la société a présenté dans un document du 03.02.03 une liste concernant le personnel RENAULT, les intérimaires et les prestataires "automobiles", les effectifs de cette dernière catégorie ne sont pas contrôlables au vu des informations délivrées. Aucune information n’a été donnée quant à la répartition par collège de ces salariés mis à disposition.

Il a rappelé qu'une charte avait été négociée en novembre 2002 avec les délégués centraux des 5 confédérations, et signée par 3 d’entre elles le 29.11.02, hormis les syndicats SUD et CGT, fixant :

"Les principes directeurs sur les critères de prise en compte des salariés mis à disposition dans les établissements Renault SAS par des entreprises extérieures servant de référence aux protocoles d' accord préélectoraux pour les élections professionnelles de ces établissements».

L'article 5 prévoyait que :

"Les salariés mis à la disposition par les entreprises prestataires visées au point 2 de la présente charte, ne sont pas électeurs pour les élections professionnelles dans les établissements de Renault, si l'accord préélectoral d'établissement le prévoit".

 

Le syndicat SUD a par suite sollicité :

-l'annulation des dits protocoles d'accord ;

-l'annulation des élections si la décision intervient à posteriori ;

-l'application au minimum du protocole à l'amiable de 2001 en ce qui concerne les élections de DP;

- en ce qui concerne les élections du CE,

- soit à l'identique par rapport au scrutin de 2001 ;

- soit, au vu de la décision rendue par le T.I. de Rouen le 10.02.03, la prise en compte des salariés des sociétés prestataires participant à la communauté de travail autour d'une activité principale, et partageant les mêmes conditions de travail et le même matériel, comme électeurs des membres du comité d’entreprise.

A l'audience du 25.02.2003, le syndicat SUD RENAULT (SUD) a maintenu ses prétentions. Il a prétendu au l’employeur n’avait pas pris en compte les dernières évolutions de la jurisprudence (C.Cass du 27.11.01 et du 29.05.02).

Les éléments nécessaires à la vérification des effectifs des sous-traitants, de leur ancienneté et de leur emploi ne lui ont pas été fournis. L'inspection du travail a été saisie de la question.

Le jugement du T.I. de Rouen du 10.02.03 a annulé les élections professionnelles CE/DP s'étant déroulées le 21.01.03. Il a exposé que au vu des évolutions législatives et jurisprudentielles récentes on peut s'accorder sur le fait que au sein d'une même entreprise, les CDI, CDD, intérimaires et salariés mis à disposition font partie d'une même communauté de travail et d'une même communauté d'activité au sens des élections tant des DP que des membres du CE et plus encore dans la constitution des CHSCT.

Par suite il a réclamé que lui soit communiqué la liste de toutes les sociétés prestataires même hors métiers de l’automobile avec

- par société, la liste complète des salariés mis à disposition de l'établissement,

- la date de présence sur le site de chaque salarié,

- le poste réellement occupé par chacun d'eux.

Oralement il a rappelé que sur le site de GUYANCOURT travaillent 457 entreprises extérieures et que 2000 salariés sur les 7500 présents sont salariés de ces sociétés.

Le SYNDICAT METAUX DES YVELINES SUD- CFDT SMYS (CFDT) a entendu préciser qu'elle n'était pas signataire des protocoles préélectoraux tant pour les élections des DP que du CE. Elle revendique que les salariés sous-traitants puissent participer au processus électoral de ces deux scrutins puisqu'ils contribuent au processus technique et économique du technocentre, mais se refuse à voir reporter les scrutins afin que les salariés ne soient pas privés de représentation syndicale.

Oralement sur interrogation du tribunal, il a contesté la validité des protocoles d'accord.

Le SYNDICAT CGT RENAULT TECHNOCENTRE (CGT) a également demandé l'annulation des protocoles d'accord critiqués pour trois motifs :

- seuls sont pris en compte dans les effectifs les salariés des entreprises extérieurs "relevant des métiers de l'automobile" ;

- sont exclus des effectifs les salariés concernés par le dispositif"CASA" ;

- la qualité d'électeurs n'est pas reconnue aux salariés pris en compte dans l'effectif déterminant le nombre de sièges de délégués du personnel à pourvoir.

Il sollicite que les salariés mis à disposition soient pris en compte dans l'effectif des différents collèges et dans l'électorat de l'entreprise utilisatrice au vu de leur seul temps de présence dans celle-ci au cours des 12 derniers mois et que par ailleurs, les salariés concernés pris en compte dans les effectifs soit considérés comme électeurs selon la nature des fonctions exercées par eux au sein de leur entreprise d'accueil et selon la classification conventionnelle applicable dans cette entreprise.

Par suite, la date des élections professionnelles de l'établissement GUYANCOUR et AUBEVOYE doit être repoussée; la société RENAULT sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 NCPC.

La CGT s'est prévalue des dispositions littérales des articles L 421-2 et L 431-2 C. Trav. introduites par la L. 28.10.82, alors que la cour de cassation avait introduit par la suite le critère supplétif de subordination par rapport à l'employeur de l'entreprise d'accueil. La haute cour a évolué pour revenir au texte d'origine par un premier arrêt rendu le 28.03.00 puis par une décision de principe en date du 27.11.01, en posant que dès lors que les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise qui les occupe participe au processus de travail, ils entrent dans le calcul de l'effectif

En l'espèce on ne peut considérer que la participation au processus de travail soit limitée à la seule appartenance aux métiers de l'automobile sans méconnaître les principes constitutionnels résultant du préambule de la constitution de 1946 expressément visés dans celui de la constitution de 1958. Le droit à une représentation syndicale doit pouvoir s'exprimer sur le lieu de travail; l'objectif du législateur ayant été de rapprocher les institutions représentatives du personnel tant des salariés représentés que des centres de décision. Par suite il y a lieu de prendre en compte également les autres métiers sans lesquels l'unité de production ne peut fonctionner, tels que la surveillance et le gardiennage, le nettoyage, la maintenance, et autres métiers externalités progressivement par la société.

Oralement le syndicat a cependant exclu les entreprises participant de façon exceptionnelle et ponctuelle à la marche de l’entreprise.

De même le syndicat CGT a rappelé les dispositions de l'article L 132-4 C. Trav. qui imposent au juge d'écarter les stipulations conventionnelles négociées qui seraient moins favorables aux salariés dans le domaine de la représentation.

L'inspection du travail a pris position dans ce sens dans le courrier adressé le 13.02.03. Cette interprétation est conforme selon la doctrine à l'évolution d'une jurisprudence dans le sens d'un renforcement de la représentation des salariés extérieurs.

En ce qui concerne les salariés partant en « cessation d'activité des salariés âgés » (C.A.S.A.), il note que les salariés dont le contrat de travail a été suspendu continuent de faire partie de l'effectif et par suite doivent être pris en compte ainsi qu’il en a été décidé par la cour de cassation et que l'ont rappelé les inspecteurs du travail compétents.

Doit être pris en compte pour le rattachement aux collèges, la nature des fonctions réellement exercées au sein de l'entreprise d'accueil et de la classification applicable, et non leur classification conventionnelle de rattachement auprès de l'entreprise prestataire.

Le syndicat a suggéré le renvoi à une négociation pour déterminer la nature véritable de chaque emploi.

La qualité d'électeurs doit être déterminée, pour les élections des DP, en application de l'article L 423-7 C. Trav. et concerner également les salariés ayant travaillé dans l'entreprise sans être salariés de celle-ci.

Pour les élections des membres du CE, se pose la question subséquente de l’accès aux prestations socio-culturelles du comité, et donc du budget de celui-ci, qui ne se verrait pas pour autant augmenté par l'employeur.

La SAS RENAULT. établissement de GUYANCOURT, dénommée « Technocentre », a contesté les prétentions exposées au soutien de la demande d' annulation des protocoles d'accord préélectoraux.

Elle a répondu aux conclusions prises par le syndicat SUD RENAULT en faisant valoir en premier lieu que cette organisation cherchait à obtenir une copie des documents nécessaires à la vérification du calcul des effectifs. Elle y a opposé non seulement la législation applicable dans les articles L 423-18 (DP) et L 433-13 (CE) C.Trav. imposant seulement à l'employeur une négociation de bonne foi mais en outre le principe de confidentialité des information concernant les entreprises tierces et leurs salariés résultant de la directive 95/46 du 24.10.95 ainsi que le principe du respect de la vie privée. Elle propose ainsi en raison également du nombre d'électeurs concernés (9.000) et des organisations syndicales présentes (5) la consultation sur place par ces organisations des documents relatifs aux salariés des prestataires. Elle déplore que le syndicat SUD n'ait pas usé de cette faculté.

Elle relève que si la contestation élevée par SUD porte sur le durée de présence des salariés prestataires, la charte du 29.11.02 en son article 3 paraît élargir l'effectif à prendre en compte puisqu'il inclut les salariés des entreprises extérieures au prorata de leur temps de présence durant les 12 derniers mois sans aucune condition de présence minimale.

En ce qui concerne l'électorat, pour les élections des DP, les salariés mis à disposition par les entreprises extérieures sont considérés comme électeurs ainsi que cela avait été prévu après expertise pour le scrutin de 2001.

En revanche, le protocole n'a pas prévu que soient considérés comme électeurs des membres du CE, ces salariés externalités, et ce en application de la jurisprudence posée par la cour de cassation le 07.06.84. Dans le cas soumis au T.I. de Rouen, l'employeur avait de lui-même proposé l'inscription de ces salariés prestataires sur les listes électorales en l'absence de protocole préélectoral. Ainsi les salariés participant au seul fonctionnement de l'entreprise dans des métiers "support" ne doivent pas être inclus.

Elle a également répondu aux écritures de la CGT en rappelant qu'aux termes de la jurisprudence dont elle se prévaut, seuls doivent être pris en compte, les salariés extérieurs "participant au processus de travail de l'entreprise qui les occupe" ; la charte du 29.11.02 a défini dans le périmètre de l'entreprise d'accueilles conditions d'application de ces dispositions en décidant qu'il s'agissait des prestataires "relevant des métiers de l'automobile, et en tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement". Ce principe a été repris dans les protocoles d'accord et ont été pris en compte parmi les métiers connexes de l'automobile notamment la maintenance informatique et industrielle. En revanche ont été exclus comme étant étrangères au processus de travail proprement dit les activités de gardiennage, entretien, restauration et formation. Cette position a été reprise par le T.I. de Rouen le 10.02.03 ; un accord unanime avait été signé antérieurement sur ce point.

S'agissant des salariés CASA, leur contrat étant définitivement suspendu jusqu'à leur départ en retraite, et ne percevant plus de rémunération de leur employeur, ils doivent être exclus du décompte des effectifs.

La question de la répartition des salariés entre les collèges ne relève pas de la compétence du tribunal d'instance.

Le SYNDICAT CFTC METALLURGIE 78 section de Renault Guyancourt a sollicité le maintien des dispositions des protocoles d'accord tels que négociés et signés par elle ainsi que du scrutin fixé au 6 mars. Elle a estimé que les salariés des sociétés prestataires dans le cadre de leur propre société pouvaient s'exprimer lors d'élections professionnelles. Elle s'est inquiétée du coût humain et financier d'une possible annulation d'élections.

Le SYNDICAT MÈTALLURGIE ILE DE FRANCE CFE/CGC et L'UNION DÈPARTEMENTALE DES SYNDICATS CONFÈDÈRES FORCE OUVRIERE DES YVELINES (F.O.) ont soutenu la régularité des protocoles d'accord signés par eux, les salariés des sociétés prestataires de service pouvant être déclarés électeurs pour les élections des DP sans l'être pour celles des membres du CE; les deux institutions n'ont en effet ni le même objet ni la même finalité.

Ils ont en outre constaté que les organisations syndicales avaient toute latitude pour consulter sur place les informations qui leur étaient nécessaires.

Ils ont précisé qu'ils entendaient que soient pris en compte les salariés extérieurs à la condition que soit respectée leur classification dans l'entreprise d'origine.

SUR CE :

Dans les faits, un bref rappel des procédures antérieures permet de situer le litige actuel dans le contexte de la restructuration subie par la SAS RENAULT qui a été amenée à externaliser une partie de son activité vers de nombreuses sociétés prestataires extérieures: 457 selon le syndicat SUD, comprenant 2.000 salariés sur les 7.500 sur le site du Technocentre. Le T.I. de Versailles a été saisi le 17.10.00 d'une requête émanant tant du syndicat CGT que du syndicat SUD en contestation des protocoles d'accord préalables aux élections prévues pour le 07.12.00, sur les questions de l'effectif à prendre en compte tant pour les élections des membres du C.E. que pour celles des délégués du personnel.

Dans son jugement rendu le 21.11.00, le T.I. de Versailles a ordonné une mesure d'instruction ; une conciliation a pu être trouvée entre les partenaires sociaux qui ont signé unanimement un protocole préélectorale 22.12.00 prévoyant notamment que le personnel des entreprises sous-traitantes ne serait ni électeur ni éligible pour les élections du CE (article IV) de même que le personnel en suspension de contrat de travail dans le cadre du départ en CASA.

Par ailleurs, un protocole d'accord préélectoral relatif aux élections des D.P., en date du 23.03.01, a décidé que seraient pris en compte les effectifs de la société Renault auxquels s'ajouteraient les effectifs des entreprises de sous-traitance qui interviennent dans l'enceinte géographique de Renault et dans « les métiers de l'automobile » tels que qualifiés dans les documents remis à la direction (article 1). Il était précisé que ces salariés devaient compter un temps de présence au sein de la société Renault de 12 mois au cours des 15 derniers mois. Le corps électoral comprenait seul le personnel Renault ayant au moins 3 mois d'ancienneté à la date du scrutin, étant précisé que le personnel des entreprises de sous-traitance qui intervenaient dans le secteur des métiers de l'automobile et qui comptait 12 mois de présence au sein de l'entreprise sur les 15 derniers mois serait électeur sans pour autant être éligible (article 4), tandis que le personnel extérieur n'intervenant pas dans le secteur des métiers de l'automobile ne serait ni électeur ni éligible.

Le personnel CASA n'était ni électeur ni éligible.

Les élections se sont tenues en juillet 2001 et doivent être renouvelées courant 2003.

A été négociée courant novembre 2002 au niveau central, une charte tendant à fixer, dans un contexte juridique évolutif, les principes directeurs sur les critères de prise en compte des salariés mis à disposition dans les établissements de RENAULT SAS par des entreprises extérieures servant de référence aux protocoles d'accord préélectoraux pour les élections professionnelles de ces établissements; cette charte a été signée par la CFDT, la CFE/CGC et FO à l'exclusion de la CGT et de SUD.

Elle prévoyait tant pour les élections des DP que pour celles des membres du CE que :

- les entreprises prestataires qui pourraient être concernées par la participation auxdits scrutins seraient celles dont l'activité s'exercerait dans l'enceinte de l'établissement et relevant des métiers de l'automobile, et en tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement notamment l'informatique CAO et PAO et la maintenance ainsi que la maintenance industrielle;

- le décompte des effectifs des salariés concernés serait déterminé en prenant en compte

- l’activité dans l’établissement des salariés de ces entreprises mis à disposition au cours des 12 derniers mois précédents la négociation du protocole, et ce, au prorata de leur temps de travail pendant cette période ;

- le personnel mis à disposition était réparti entre les collèges électoraux en fonction de sa catégorie professionnelle, selon la convention collective applicable à la société les employant et le contrat de travail des intéressés ;

- cependant, il était spécifié que les salariés des entreprises prestataires concernées ne pourraient être électeurs pour les élections professionnelles dans les établissements Renault si l’accord préélectoral d’établissement le prévoyait.

Cette charte n'a été signée ni par le syndicat SUD ni par le syndicat CGT.

Des protocoles d'accord préélectoraux ont été élaborés en vue du renouvellement des délégués du personnel et des membre du CE au sein de l'établissement de GUYANCOURT courant 2003, et signés uniquement par les syndicats CFE/CGC, FO et CFDT. Ces protocoles renvoyaient à l’application des principes posés par la charte du 29.11.02.

Sur la régularité des protocoles d'accord préélectoraux signés le 6 février 2003 en vue de l'élection des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement :

1)Sur les effectifs à prendre en compte pour le scrutin

1) en ce qui concerne l'obligation d'information incombant à l'employeur :

Les organisations syndicales étant invitées de par la loi à négocier le protocole d'accord préélectoral par le chef d'entreprise, ce dernier se doit, en application du principe de bonne foi, qui a été consacré par le législateur en droit social pour le contrat de travail proprement dit en introduisant l'article L 120-4 C. Trav., non seulement de transmettre aux organisations syndicales les listes des électeurs comportant toutes les indications utiles, et ce, sans mettre en cause le principe parallèle de respect de la vie privée, en application du droit électoral, mais encore mettre à leur disposition tous les documents leur permettant de vérifier de manière exhaustive l' application de la méthode de détermination des effectifs collectivement négociée.

Si la directive du 24.10.95 du Conseil, directement applicable, définit les informations protégées dans son article 2 comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable, la cour de cassation a décidé de manière constante que l'indication du domicile réel des électeurs sur les listes permet le contrôle indispensable des conditions d’électorat et d’éligibilité sans atteinte illicite à la vie privée.

Il en est de même lorsqu'il s'agit pour un syndicat de contrôler les effectifs soumis au scrutin dans le cadre d'une entreprise employant du personnel extérieur.

Dans son courrier en date du 05.02.03, le chef du service développement social s'est exclusivement fondé sur les difficultés d'ordre pratique imposant la consultation des données directement dans ses bureaux, ainsi que l’absence de contestation des syndicats qui ne remettent pas en cause les données transmises. Ces motifs sont insuffisants pour limiter le droit des organisations représentatives de jouer pleinement leur rôle.

Il convient par suite d'ordonner à l'employeur de remettre aux organisations syndicales qui en feront la demande une copie de l'intégralité des documents rendus nécessaires à cette opération de contrôle, afin qu'elles puissent les examiner en toute liberté, dans la limite du mandat qui leur a été confié, et avec toute la discrétion qui est le corollaire de leur droit.

2) En ce qui concerne la période de référence pour l'appréciation des effectifs :

Les travailleurs mis à disposition par une entreprise extérieure sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des 12 mois précédents.

La négociation collective au sein de l'entreprise SAS RENAULT a permis d'établir dans la charte du 29.11.02 que pourraient être pris en compte les salariés de certaines entreprises extérieures en activité dans l'établissement au cours des 12 derniers mois précédents la négociation du protocole, au prorata de leur temps de travail pendant cette période.

Cette disposition apparaît plus favorable que celle prévue aux protocoles d'accord précédemment négociés sous l’égide de l’expert, aux termes des quels ces salariés devaient compter un temps de présence au sein de la société Renault de 12 mois au cours des 15 derniers mois

Par suite, il convient de retenir cette solution plus favorable aux salariés considérés, comme le reconnaît le syndicat CGT.

3) En ce qui concerne les entreprises prestataires concernées :

Dans son arrêt STORA CORBEHEM du 28.03.00, appliquant la lettre stricte des dispositions de l' article L 431-2 a12, identique à celles de l'article L 421-1 C.Trav. en ce qui concerne les DP, la cour de cassation a considéré que la seule présence du salarié dans l' entreprise utilisatrice suffisait pour être pris en compte dans le décompte de l'effectif, indépendamment de toute notion de subordination (cfM. COHEN LGDJ p. 93).

Cependant il a été statué par la suite que « dès lors qu'ils participent au processus de travail de l'entreprise qui les occupe, les travailleurs mis à la disposition de celle-ci entrent dans le calcul de l'effectif » (C.Cass Soc 27.11.01).

L'employeur a considéré dans la charte du 21.11.02 que les entreprises prestataires qui pourraient être concernées par la participation auxdits scrutins seraient celles dont l' activité s'exercerait dans l'enceinte de l'établissement et relevant des métiers de l'automobile et en.

Tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement notamment l'informatique CAO et P AO et la maintenance ainsi que la maintenance industrielle.

La cour de cassation n'a pas défini la notion de « processus de travail de l'entreprise » qui ne se retrouve pas dans sa jurisprudence antérieure. On peut mentionner l'arrêt rendu le 27.05.98 (No 96-40871) qui ne fait que référence à l'annexe d'une convention collective. L'idée sous jacente semble être de limiter aux seuls salariés d'entreprises concernées de près ou de loin au processus de fabrication propre à l'entreprise, la prise en compte dans l'effectif.

Or si la cour de cassation est revenue sur la jurisprudence ayant imposé que les salariés considérés soient placés sous la subordination de l'employeur de l'entreprise d'accueil, elle ne pouvait à nouveau restreindre la portée des dispositions claires et précises des articles L 421-2 et L 431-2 C. Trav, sans méconnaître le droit constitutionnel de représentation des salariés, exercé au plus près de leur lieu de travail. Il appartient à la jurisprudence de limiter objectivement le nombre de salariés concernés, afin que seules les entreprises liées de manière directe au processus de fabrication comme cela a été reconnu dans la charte précitée, mais encore de manière indirecte dans des activités de support et de fonctionnement lorsque ces activités ne sont ni ponctuelles ni exceptionnelles. Cette solution se justifie tout particulièrement dans la situation pratique connue par la SAS RENAULT qui a entendu externaliser un certain nombre d'activités mais qui ne peut pour autant priver les salariés concernés d'une représentation syndicale sur le lieu de leur travail effectif

En conséquence, il convient de dire que seront inclus dans les effectifs les salariés mis à disposition par les entreprises exerçant les activités non seulement de production mais encore de fonctionnement participant ainsi au processus de travail de l'entreprise, soient les métiers de surveillance, gardiennage, nettoyage, restauration, maintenance, ou formation, sauf participation ponctuelle ou exceptionnelle à l'activité de l'entreprise.

4) en ce qui concerne les salariés en départ CASA :

Les travailleurs en cessation définitive d'activité ayant adhéré au dispositif CASA ne sont pas pris en compte dans les effectifs en matière de représentation du personnel, au motif que leur contrat de travail a été suspendu de manière définitive et qu'ils ne perçoivent plus aucune rémunération de leur ancien employeur, et ce en application des dispositions de l'accord du 26.07.99 relatif à la cessation d'activité des salariés âgés (article 10). Cependant il a été stipulé que lorsque l'entrée dans le dispositif s'effectue entre 55 et 57 ans sans suspension définitive de l'activité, le salarié reste pris en compte dans les effectifs de l'établissement.

Il a été plaidé qu'aucun salarié ne répondait à ces derniers critères; il appartiendra à l'employeur de le justifier auprès des syndicats demandeurs.

2) Sur les conditions posées pour déterminer l'électorat:

1) en ce qui concerne les délégués du personnel :

Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de 16 ans accomplis, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant encouru aucune des condamnations prévues aux article L 5 et L 6 C.Electoral.

Le protocole d'accord proposé à la négociation en vue des élections de l'année 2003 prévoit que :

« Sont électeurs les salariés Renault ainsi que les salariés des entreprises prestataires répondant aux critères de la charge du 29.11.02 (article 2) ».

Or il est constant que les salariés détachés ou mis à disposition sont susceptibles d'avoir à présenter des réclamations identiques à celles du personnel de l'entreprise utilisatrice, de sorte que leur électorat est nécessaire pour assurer leur protection ainsi que le relève la doctrine, mais ce, sous réserve que pour l’exécution de leur travail, ils relèvent de l' autorité de l' entreprise utilisatrice.

Il y a lieu de renvoyer à la négociation des partenaires sociaux pour l'application de ce principe. En effet, il convient de déterminer au cas par cas si les salariés concernés, tout en dépendant de leur entreprise d’origine pour ce qui a trait à leurs salaires et leur carrière, sont placés sous la subordination de l'entreprise d'accueil dans l'exécution de leur travail.

2) en ce qui concerne les membres du comité d'établissement :

L'objet du comité d'entreprise est d'assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

La cour de cassation a jugé constamment que les salariés extérieurs ne pouvaient être électeurs au sein de l'entreprise utilisatrice car ils n'ont pas le même intérêt que ceux de cette entreprise au sort et à la gestion d'une entreprise dont ils ne partagent pas les aléas. Cette analyse est juridiquement et financièrement exacte, même si sur le plan économique le sort de l’entreprise utilisatrice constitue un aléa essentiel pour les salariés extérieurs.

Seul le syndicat SUD revendique cette extension qui n’est souhaitée par aucun des autres partenaires à la négociation en raison des conséquences notamment sur la gestion des oeuvres sociales du comité. La charte d'entreprise a laissé à chaque établissement le soin de régler la question de l'électorat; en l'espèce, l'établissement de GUYANCOURT n'est pas favorable à la prise en compte extensive de l'électorat en ce qui concerne ce scrutin particulier.

Il n 'y a pas lieu de faire droit à sa demande sur ce point.

3) Sur le mode de répartition des salariés mis à disposition entre les collèges :

A défaut d'accord sur ce point, les parties devront saisir l'inspecteur du travail seul compétent pour trancher cette question.

4) Sur les conséquences de la présente décision en ce qui concerne le scrutin prévu pour    le   6 mars 2003 :

Les protocoles d'accord en date du 06.02.03 doivent être annulés au vu de la solution donnée au litige. Les élections n’ayant pas eu lieu, ne peuvent être annulées.

Il convient en conséquence de renvoyer les parties à la négociation pour l’application de la présente décision et de les inciter à prévoir la prorogation des mandats en cours pour assurer le maintien de la représentation des salariés au sein de l'établissement.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées et non comprises dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par décision prise en la forme des référés contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement rendu par le T.I. de Versailles le 21.11.00 ;

EN CE QUI CONCERNE LES EFFECTIFS A PRENDRE EN COMPTE POUR LE SCRUTIN:

Disons que l'employeur doit de bonne foi communiquer aux organisations syndicales qui le lui demandent les documents nécessaires au contrôle de l'application faite par lui de la méthode de détermination des effectifs ;

Disons que les organisations syndicales qui en feront la demande s’engagent par ce simple fait à respecter une obligation de discrétion dans l'utilisation de ces documents ;

Disons que les travailleurs mis à disposition par une entreprise extérieure doivent être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des 12 mois précédents le scrutin ;

Disons que seront inclus dans les effectifs, les salariés mis à disposition par les entreprises extérieures et exerçant une activité non seulement de production mais également de fonctionnement pour autant que cette participation ne soit ni ponctuelle ni exceptionnelle ;

Disons que les salariés en départ CASA ne doivent pas être pris en compte dans les effectifs, sauf lorsque l'entrée dans le dispositif s'effectue entre 55 et 57 ans sans suspension définitive de l'activité ;

EN CE QUI CONCERNE LA DETERMINATION DE L'ELECTORAT :

Disons que les salariés mis à disposition doivent être inclus dans l'électorat relatif aux élections des délégués du personnel, sous réserve que pour l'exécution de leur travail ils relèvent de l'autorité de l'entreprise utilisatrice ;

Disons qu'il convient en revanche d'exclure ces salariés pour les élections des membres du comité d'établissement ;

Constatons l'incompétence matérielle du tribunal d'instance quant au mode de répartition des salariés mis à disposition entre les collèges ;

Annulons en conséquence les articles des protocoles d'accord en date du 06.02.03 qui seraient contraires à ces dispositions ;

Renvoyons les parties à la négociation pour l'application de ces dispositions et la mise en place d'un nouveau calendrier électoral ;

Disons que les partenaires devront négocier la prorogation des mandats en cours ;

 

Rejetons le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation à caractère non suspensif dans le délai de 10 jours de sa notification ;

Disons que la procédure est par nature sans frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de ce jour.

 

 signature-280203


 



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