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TRIBUNAL D'INSTANCE
DE VERSAILLES MINUTE
N° 6/2003 RG n° 11-03-325 Extrait
des Minutes du Greffe du
Tribunal d'instance de Versailles JUGEMENT CONTENTIEUX DES
ELECTIONS PROFESSIONNELLES TRIBUNAL
D'INSTANCE DE VERSAILLES A l'audience
publique de ce Tribunal, tenue le 28
Février 2003, Au nom du peuple
français, Il a
été rendu la décision suivante : PARTIE DEMANDERESSE : SYNDICAT SUD RENAULT ETABLISSEMENT DU
TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288 - GUYANCOURT CEDEX représenté par Monsieur Alain MARTlNEZ, muni d'un pouvoir PARTIES DEFENDERESSES : SOCIETE RENAULT SAS
ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE
1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX représenté par Me Yasmine TARASEWICZ, Avocat au Barreau de PARIS SYNDICAT CFDT SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE 1 avenue du Golf 78288 - GUYANCOURT CEDEX représenté par Monsieur Claude PATFOORT, muni d'un pouvoir SYNDICAT CFE-CGC SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE 1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX représenté par Monsieur Marcel SARPAUX SYNDICAT FORCE OUVRIERE SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE 1 avenue du Golf 78288 - GUYANCOURT CEDEX représenté par Monsieur Patrick DIOT, muni d'un pouvoir SYNDICAT CFTC SOCIETE RENAULT SAS ETABLISSEMENT DU TECHNOCENTRE 1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX représenté par Olivier DEBESSE, muni d'un pouvoir SYNDICAT CGT SOCIETE RENAULT SAS ETALISSEMENT DU TECHNOCENTRE 1 avenue du Golf 78288- GUYANCOURT CEDEX Assisté de Me Hervé TOURNIQUET, Avocat au Barreau de NANTERRE COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président :
Madame
Soleine HUNTER-FALCK
Greffier : Madame Catherine GUILLAUME, Agent Administratif Assermenté, faisant fonction de Greffier DEBATS : À l'audience publique du 25 Février 2003, le Tribunal a entendu les parties et a mis l'affaire en délibéré. Madame le Président a indiqué que le jugement serait rendu le 28 Février 2003. EXPOSE DU LITIGE : Par requête enregistrée au
greffe le 12.02.03, le syndicat SUD RENAULT
a saisi le Tribunal d'Instance de Versailles en contestation des
protocoles
d'accord préélectoraux élaborés en vue des
élections professionnelles sur les
sites de GUYANCOURT et AUBEVOYE ainsi que des élections des
membres du comité
d'établissement de GUYANCOURT-AUBEVOYE prévues pour se
tenir le 06.03.03, en se
prévalant du protocole d'accord signé entre l'employeur
et l’ensemble des
organisations syndicales le 23.03.01. Ce document prévoyait la
prise en compte
du personnel détaché ou mis à disposition dans
l’entreprise pour autant que les
salariés comptabilisaient une présence au sein de la
société RENAULT de 12 mois
au cours des 15 derniers mois. Il a fait valoir au soutien de sa
demande que si la société a présenté
dans un document du 03.02.03 une liste concernant le personnel RENAULT,
les
intérimaires et les prestataires "automobiles", les effectifs de
cette dernière catégorie ne sont pas contrôlables
au vu des informations
délivrées. Aucune information n’a été
donnée quant à la répartition par collège
de ces salariés mis à disposition. Il a rappelé qu'une charte avait
été négociée en novembre 2002 avec
les délégués centraux des 5
confédérations, et signée par 3 d’entre elles le
29.11.02, hormis les syndicats SUD et CGT, fixant : "Les principes directeurs sur les
critères de prise en compte des
salariés mis à disposition dans les établissements
Renault SAS par des
entreprises extérieures servant de référence aux
protocoles d' accord
préélectoraux pour les élections professionnelles
de ces établissements». L'article 5 prévoyait que : "Les salariés mis à la
disposition par les entreprises
prestataires visées au point 2 de la présente charte, ne
sont pas électeurs
pour les élections professionnelles dans les
établissements de Renault, si
l'accord préélectoral d'établissement le
prévoit". Le syndicat SUD a par suite
sollicité : -l'annulation des dits protocoles
d'accord ; -l'annulation des élections si la
décision intervient à posteriori ; -l'application au minimum du protocole
à l'amiable de 2001 en ce qui
concerne les élections de DP; - en ce qui concerne les
élections du CE, - soit à l'identique par rapport
au scrutin de 2001 ; - soit, au vu de la décision
rendue par le T.I. de Rouen le 10.02.03,
la prise en compte des salariés des sociétés
prestataires participant à la
communauté de travail autour d'une activité principale,
et partageant les mêmes
conditions de travail et le même matériel, comme
électeurs des membres du
comité d’entreprise. A l'audience du 25.02.2003, le
syndicat SUD RENAULT (SUD) a
maintenu ses prétentions. Il a prétendu au l’employeur
n’avait pas pris en
compte les dernières évolutions de la jurisprudence
(C.Cass du 27.11.01 et du
29.05.02). Les éléments
nécessaires à la vérification des effectifs des
sous-traitants, de leur ancienneté et de leur emploi ne lui ont
pas été fournis.
L'inspection du travail a été saisie de la question. Le jugement du T.I. de Rouen du 10.02.03
a annulé les élections
professionnelles CE/DP s'étant déroulées le
21.01.03. Il a exposé que au vu des
évolutions législatives et jurisprudentielles
récentes on peut s'accorder sur
le fait que au sein d'une même entreprise, les CDI, CDD,
intérimaires et
salariés mis à disposition font partie d'une même
communauté de travail et
d'une même communauté d'activité au sens des
élections tant des DP que des
membres du CE et plus encore dans la constitution des CHSCT. Par suite il a réclamé que
lui soit communiqué la liste de toutes les
sociétés prestataires même hors métiers de
l’automobile avec - par société, la liste
complète des salariés mis à disposition de
l'établissement, - la date de présence sur le site
de chaque salarié, - le poste réellement
occupé par chacun d'eux. Oralement il a rappelé que sur le
site de GUYANCOURT travaillent 457
entreprises extérieures et que 2000 salariés sur les 7500
présents sont salariés
de ces sociétés. Le SYNDICAT METAUX DES YVELINES SUD-
CFDT SMYS (CFDT) a
entendu préciser qu'elle n'était pas
signataire des protocoles préélectoraux tant pour les
élections des DP que du
CE. Elle revendique que les salariés sous-traitants puissent
participer au
processus électoral de ces deux scrutins puisqu'ils contribuent
au processus
technique et économique du technocentre, mais se refuse à
voir reporter les
scrutins afin que les salariés ne soient pas privés de
représentation
syndicale. Oralement sur interrogation du tribunal,
il a contesté la validité des
protocoles d'accord. Le SYNDICAT CGT RENAULT TECHNOCENTRE (CGT) a également demandé
l'annulation des protocoles d'accord
critiqués pour trois motifs : - seuls sont pris en compte dans les
effectifs les salariés des
entreprises extérieurs "relevant des métiers de
l'automobile" ; - sont exclus des effectifs les
salariés concernés par le
dispositif"CASA" ; - la qualité d'électeurs
n'est pas reconnue aux salariés pris en
compte dans l'effectif déterminant le nombre de sièges de
délégués du personnel
à pourvoir. Il sollicite que les salariés mis
à disposition soient pris en compte
dans l'effectif des différents collèges et dans
l'électorat de l'entreprise
utilisatrice au vu de leur seul temps de présence dans celle-ci
au cours des 12
derniers mois et que par ailleurs, les salariés concernés
pris en compte dans
les effectifs soit considérés comme électeurs
selon la nature des fonctions
exercées par eux au sein de leur entreprise d'accueil et selon
la classification
conventionnelle applicable dans cette entreprise. Par suite, la date des élections
professionnelles de l'établissement
GUYANCOUR et AUBEVOYE doit être repoussée; la
société RENAULT sera condamnée à
lui verser la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 NCPC. La CGT s'est prévalue des
dispositions littérales des articles L 421-2
et L 431-2 C. Trav. introduites par la L. 28.10.82, alors que la cour
de
cassation avait introduit par la suite le critère
supplétif de subordination
par rapport à l'employeur de l'entreprise d'accueil. La haute
cour a évolué
pour revenir au texte d'origine par un premier arrêt rendu le
28.03.00 puis par
une décision de principe en date du 27.11.01, en posant que
dès lors que les
travailleurs mis à la disposition de l'entreprise qui les occupe
participe au
processus de travail, ils entrent dans le calcul de l'effectif En l'espèce on ne peut
considérer que la participation au processus de
travail soit limitée à la seule appartenance aux
métiers de l'automobile sans
méconnaître les principes constitutionnels
résultant du préambule de la
constitution de 1946 expressément visés dans celui de la
constitution de 1958.
Le droit à une représentation syndicale doit pouvoir
s'exprimer sur le lieu de
travail; l'objectif du législateur ayant été de
rapprocher les institutions
représentatives du personnel tant des salariés
représentés que des centres de
décision. Par suite il y a lieu de prendre en compte
également les autres
métiers sans lesquels l'unité de production ne peut
fonctionner, tels que la
surveillance et le gardiennage, le nettoyage, la maintenance, et autres
métiers
externalités progressivement par la société. Oralement le syndicat a cependant exclu
les entreprises participant de
façon exceptionnelle et ponctuelle à la marche de
l’entreprise. De même le syndicat CGT a
rappelé les dispositions de l'article L
132-4 C. Trav. qui imposent au juge d'écarter les stipulations
conventionnelles
négociées qui seraient moins favorables aux
salariés dans le domaine de la
représentation. L'inspection du travail a pris position
dans ce sens dans le courrier
adressé le 13.02.03. Cette interprétation est conforme
selon la doctrine à
l'évolution d'une jurisprudence dans le sens d'un renforcement
de la
représentation des salariés extérieurs. En ce qui concerne les salariés
partant en « cessation d'activité
des salariés âgés » (C.A.S.A.), il note
que les salariés dont le contrat
de travail a été suspendu continuent de faire partie de
l'effectif et par suite
doivent être pris en compte ainsi qu’il en a été
décidé par la cour de
cassation et que l'ont rappelé les inspecteurs du travail
compétents. Doit être pris en compte pour le
rattachement aux collèges, la nature
des fonctions réellement exercées au sein de l'entreprise
d'accueil et de la
classification applicable, et non leur classification conventionnelle
de
rattachement auprès de l'entreprise prestataire. Le syndicat a suggéré le
renvoi à une négociation pour déterminer la
nature véritable de chaque emploi. La qualité d'électeurs
doit être déterminée, pour les élections des
DP, en application de l'article L 423-7 C. Trav. et concerner
également les
salariés ayant travaillé dans l'entreprise sans
être salariés de celle-ci. Pour les élections des membres du
CE, se pose la question subséquente
de l’accès aux prestations socio-culturelles du comité,
et donc du budget de
celui-ci, qui ne se verrait pas pour autant augmenté par
l'employeur. La SAS RENAULT. établissement de
GUYANCOURT,
dénommée « Technocentre », a
contesté
les prétentions exposées au soutien de la demande d'
annulation des protocoles
d'accord préélectoraux. Elle a répondu aux conclusions
prises par le syndicat SUD RENAULT en
faisant valoir en premier lieu que cette organisation cherchait
à obtenir une
copie des documents nécessaires à la vérification
du calcul des effectifs. Elle
y a opposé non seulement la législation applicable dans
les articles L 423-18
(DP) et L 433-13 (CE) C.Trav. imposant seulement à l'employeur
une négociation
de bonne foi mais en outre le principe de confidentialité des
information
concernant les entreprises tierces et leurs salariés
résultant de la directive
95/46 du 24.10.95 ainsi que le principe du respect de la vie
privée. Elle
propose ainsi en raison également du nombre d'électeurs
concernés (9.000) et
des organisations syndicales présentes (5) la consultation sur
place par ces
organisations des documents relatifs aux salariés des
prestataires. Elle
déplore que le syndicat SUD n'ait pas usé de cette
faculté. Elle relève que si la
contestation élevée par SUD porte sur le durée
de présence des salariés prestataires, la charte du
29.11.02 en son article 3
paraît élargir l'effectif à prendre en compte
puisqu'il inclut les salariés des
entreprises extérieures au prorata de leur temps de
présence durant les 12
derniers mois sans aucune condition de présence minimale. En ce qui concerne l'électorat,
pour les élections des DP, les
salariés mis à disposition par les entreprises
extérieures sont considérés
comme électeurs ainsi que cela avait été
prévu après expertise pour le scrutin
de 2001. En revanche, le protocole n'a pas
prévu que soient considérés comme
électeurs des membres du CE, ces salariés
externalités, et ce en application de
la jurisprudence posée par la cour de cassation le 07.06.84.
Dans le cas soumis
au T.I. de Rouen, l'employeur avait de lui-même proposé
l'inscription de ces
salariés prestataires sur les listes électorales en
l'absence de protocole
préélectoral. Ainsi les salariés participant au
seul fonctionnement de
l'entreprise dans des métiers "support" ne doivent pas
être inclus. Elle a également répondu
aux écritures de la CGT en rappelant qu'aux
termes de la jurisprudence dont elle se prévaut, seuls doivent
être pris en
compte, les salariés extérieurs "participant au processus
de travail de
l'entreprise qui les occupe" ; la charte du 29.11.02 a défini
dans le
périmètre de l'entreprise d'accueilles conditions
d'application de ces
dispositions en décidant qu'il s'agissait des prestataires
"relevant des
métiers de l'automobile, et en tout état de cause, de
l'activité principale de
l'établissement". Ce principe a été repris dans
les protocoles d'accord et
ont été pris en compte parmi les métiers connexes
de l'automobile notamment la
maintenance informatique et industrielle. En revanche ont
été exclus comme
étant étrangères au processus de travail
proprement dit les activités de
gardiennage, entretien, restauration et formation. Cette position a
été reprise
par le T.I. de Rouen le 10.02.03 ; un accord unanime avait
été signé antérieurement
sur ce point. S'agissant des salariés CASA,
leur contrat étant définitivement
suspendu jusqu'à leur départ en retraite, et ne percevant
plus de rémunération
de leur employeur, ils doivent être exclus du décompte des
effectifs. La question de la répartition des
salariés entre les collèges ne
relève pas de la compétence du tribunal d'instance. Le SYNDICAT CFTC METALLURGIE 78 section
de Renault Guyancourt a
sollicité le maintien des dispositions des
protocoles d'accord tels que négociés et signés
par elle ainsi que du scrutin
fixé au 6 mars. Elle a estimé que les salariés des
sociétés prestataires dans
le cadre de leur propre société pouvaient s'exprimer lors
d'élections
professionnelles. Elle s'est inquiétée du coût
humain et financier d'une
possible annulation d'élections. Le SYNDICAT MÈTALLURGIE ILE DE
FRANCE CFE/CGC et L'UNION
DÈPARTEMENTALE DES SYNDICATS
CONFÈDÈRES FORCE OUVRIERE DES YVELINES (F.O.)
ont soutenu la
régularité des protocoles d'accord signés par eux,
les salariés des sociétés
prestataires de service pouvant être déclarés
électeurs pour les élections des
DP sans l'être pour celles des membres du CE; les deux
institutions n'ont en
effet ni le même objet ni la même finalité. Ils ont en outre constaté que les
organisations syndicales avaient
toute latitude pour consulter sur place les informations qui leur
étaient
nécessaires. Ils ont précisé qu'ils
entendaient que soient pris en compte les
salariés extérieurs à la condition que soit
respectée leur classification dans
l'entreprise d'origine. SUR CE : Dans les faits, un bref rappel des
procédures antérieures permet de
situer le litige actuel dans le contexte de la restructuration subie
par la SAS
RENAULT qui a été amenée à externaliser une
partie de son activité vers de
nombreuses sociétés prestataires extérieures: 457
selon le syndicat SUD,
comprenant 2.000 salariés sur les 7.500 sur le site du
Technocentre. Le T.I. de
Versailles a été saisi le 17.10.00 d'une requête
émanant tant du syndicat CGT
que du syndicat SUD en contestation des protocoles d'accord
préalables aux
élections prévues pour le 07.12.00, sur les questions de
l'effectif à prendre
en compte tant pour les élections des membres du C.E. que pour
celles des
délégués du personnel. Dans son jugement rendu le 21.11.00, le
T.I. de Versailles a ordonné
une mesure d'instruction ; une conciliation a pu être
trouvée entre les
partenaires sociaux qui ont signé unanimement un protocole
préélectorale
22.12.00 prévoyant notamment que le personnel des entreprises
sous-traitantes
ne serait ni électeur ni éligible pour les
élections du CE (article IV) de même
que le personnel en suspension de contrat de travail dans le cadre du
départ en
CASA. Par ailleurs, un protocole d'accord
préélectoral relatif aux élections
des D.P., en date du 23.03.01, a décidé que seraient pris
en compte les
effectifs de la société Renault auxquels s'ajouteraient
les effectifs des
entreprises de sous-traitance qui interviennent dans l'enceinte
géographique de
Renault et dans « les métiers de
l'automobile » tels que qualifiés dans
les documents remis à la direction (article 1). Il était
précisé que ces
salariés devaient compter un temps de présence au sein de
la société Renault de
12 mois au cours des 15 derniers mois. Le corps électoral
comprenait seul le
personnel Renault ayant au moins 3 mois d'ancienneté à la
date du scrutin,
étant précisé que le personnel des entreprises de
sous-traitance qui intervenaient
dans le secteur des métiers de l'automobile et qui comptait 12
mois de présence
au sein de l'entreprise sur les 15 derniers mois serait électeur
sans pour
autant être éligible (article 4), tandis que le personnel
extérieur
n'intervenant pas dans le secteur des métiers de l'automobile ne
serait ni
électeur ni éligible. Le personnel CASA n'était ni
électeur ni éligible. Les élections se sont tenues en
juillet 2001 et doivent être
renouvelées courant 2003. A été
négociée courant novembre 2002 au niveau central, une
charte
tendant à fixer, dans un contexte juridique évolutif, les
principes directeurs
sur les critères de prise en compte des salariés mis
à disposition dans les
établissements de RENAULT SAS par des entreprises
extérieures servant de
référence aux protocoles d'accord
préélectoraux pour les élections
professionnelles de ces établissements; cette charte a
été signée par la CFDT,
la CFE/CGC et FO à l'exclusion de la CGT et de SUD. Elle prévoyait tant pour les
élections des DP que pour celles des
membres du CE que : - les entreprises prestataires qui
pourraient être concernées par la
participation auxdits scrutins seraient celles dont l'activité
s'exercerait
dans l'enceinte de l'établissement et relevant des
métiers de l'automobile, et
en tout état de cause, de l'activité principale de
l'établissement notamment
l'informatique CAO et PAO et la maintenance ainsi que la maintenance
industrielle; - le décompte des effectifs des
salariés concernés serait déterminé en
prenant en compte - l’activité dans
l’établissement des salariés de ces entreprises mis
à disposition au cours des 12 derniers mois
précédents la négociation du protocole,
et ce, au prorata de leur temps de travail pendant cette période
; - le personnel mis à disposition
était réparti entre les collèges
électoraux en fonction de sa catégorie professionnelle,
selon la convention
collective applicable à la société les employant
et le contrat de travail des
intéressés ; - cependant, il était
spécifié que les salariés des entreprises
prestataires concernées ne pourraient être
électeurs pour les élections
professionnelles dans les établissements Renault si l’accord
préélectoral d’établissement
le prévoyait. Cette charte n'a été
signée ni par le syndicat SUD ni par le syndicat
CGT. Des protocoles d'accord
préélectoraux ont été
élaborés en vue du
renouvellement des délégués du personnel et des
membre du CE au sein de l'établissement
de GUYANCOURT courant 2003, et signés uniquement par les
syndicats CFE/CGC, FO
et CFDT. Ces protocoles renvoyaient à l’application des
principes posés par la
charte du 29.11.02. Sur la régularité des
protocoles d'accord préélectoraux signés le 6 février 2003 en
vue de l'élection des
délégués du personnel et des membres du
comité d'établissement : 1)Sur les effectifs à prendre en
compte pour le scrutin 1) en ce qui concerne l'obligation
d'information incombant à
l'employeur : Les organisations syndicales
étant invitées de par la loi à négocier
le protocole d'accord préélectoral par le chef
d'entreprise, ce dernier se
doit, en application du principe de bonne foi, qui a été
consacré par le
législateur en droit social pour le contrat de travail
proprement dit en
introduisant l'article L 120-4 C. Trav., non seulement de transmettre
aux
organisations syndicales les listes des électeurs comportant
toutes les
indications utiles, et ce, sans mettre en cause le principe
parallèle de
respect de la vie privée, en application du droit
électoral, mais encore mettre
à leur disposition tous les documents leur permettant de
vérifier de manière
exhaustive l' application de la méthode de détermination
des effectifs
collectivement négociée. Si la directive du 24.10.95 du Conseil,
directement applicable,
définit les informations protégées dans son
article 2 comme toute information
concernant une personne physique identifiée ou identifiable, la
cour de
cassation a décidé de manière constante que
l'indication du domicile réel des
électeurs sur les listes permet le contrôle indispensable
des conditions d’électorat
et d’éligibilité sans atteinte illicite à la vie
privée. Il en est de même lorsqu'il s'agit
pour un syndicat de contrôler les
effectifs soumis au scrutin dans le cadre d'une entreprise employant du
personnel extérieur. Dans son courrier en date du 05.02.03,
le chef du service
développement social s'est exclusivement fondé sur les
difficultés d'ordre
pratique imposant la consultation des données directement dans
ses bureaux,
ainsi que l’absence de contestation des syndicats qui ne remettent pas
en cause
les données transmises. Ces motifs sont insuffisants pour
limiter le droit des
organisations représentatives de jouer pleinement leur
rôle. Il convient par suite d'ordonner
à l'employeur de remettre aux
organisations syndicales qui en feront la demande une copie de
l'intégralité
des documents rendus nécessaires à cette opération
de contrôle, afin qu'elles
puissent les examiner en toute liberté, dans la limite du mandat
qui leur a été
confié, et avec toute la discrétion qui est le corollaire
de leur droit. 2) En ce qui concerne la période
de référence pour l'appréciation des
effectifs : Les travailleurs mis à
disposition par une entreprise extérieure sont
pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps
de
présence dans celle-ci au cours des 12 mois
précédents. La négociation collective au sein
de l'entreprise SAS RENAULT a permis
d'établir dans la charte du 29.11.02 que pourraient être
pris en compte les
salariés de certaines entreprises extérieures en
activité dans l'établissement
au cours des 12 derniers mois précédents la
négociation du protocole, au
prorata de leur temps de travail pendant cette période. Cette disposition apparaît plus
favorable que celle prévue aux
protocoles d'accord précédemment négociés
sous l’égide de l’expert, aux termes
des quels ces salariés devaient compter un temps de
présence au sein de la
société Renault de 12 mois au cours des 15 derniers mois Par suite, il convient de retenir cette
solution plus favorable aux
salariés considérés, comme le reconnaît le
syndicat CGT. 3) En ce qui concerne les entreprises
prestataires
concernées : Dans son arrêt STORA CORBEHEM du
28.03.00, appliquant la lettre
stricte des dispositions de l' article L 431-2 a12, identique à
celles de
l'article L 421-1 C.Trav. en ce qui concerne les DP, la cour de
cassation a
considéré que la seule présence du salarié
dans l' entreprise utilisatrice
suffisait pour être pris en compte dans le décompte de
l'effectif,
indépendamment de toute notion de subordination (cfM. COHEN LGDJ
p. 93). Cependant il a été
statué par la suite que « dès lors qu'ils
participent au processus de travail de l'entreprise qui les occupe, les
travailleurs mis à la disposition de celle-ci entrent dans le
calcul de
l'effectif » (C.Cass Soc 27.11.01). L'employeur a considéré
dans la charte du 21.11.02 que les entreprises
prestataires qui pourraient être concernées par la
participation auxdits
scrutins seraient celles dont l' activité s'exercerait dans
l'enceinte de
l'établissement et relevant des métiers de l'automobile
et en. Tout état de cause, de
l'activité principale de l'établissement
notamment l'informatique CAO et P AO et la maintenance ainsi que la
maintenance
industrielle. La cour de cassation n'a pas
défini la notion de « processus de
travail de l'entreprise » qui ne se retrouve pas dans sa
jurisprudence
antérieure. On peut mentionner l'arrêt rendu le 27.05.98
(No 96-40871) qui ne
fait que référence à l'annexe d'une convention
collective. L'idée sous jacente
semble être de limiter aux seuls salariés d'entreprises
concernées de près ou
de loin au processus de fabrication propre à l'entreprise, la
prise en compte
dans l'effectif. Or si la cour de cassation est revenue
sur la jurisprudence ayant
imposé que les salariés considérés soient
placés sous la subordination de
l'employeur de l'entreprise d'accueil, elle ne pouvait à nouveau
restreindre la
portée des dispositions claires et précises des articles
L 421-2 et L 431-2 C.
Trav, sans méconnaître le droit constitutionnel de
représentation des salariés,
exercé au plus près de leur lieu de travail. Il
appartient à la jurisprudence
de limiter objectivement le nombre de salariés concernés,
afin que seules les
entreprises liées de manière directe au processus de
fabrication comme cela a
été reconnu dans la charte précitée, mais
encore de manière indirecte dans des
activités de support et de fonctionnement lorsque ces
activités ne sont ni
ponctuelles ni exceptionnelles. Cette solution se justifie tout
particulièrement
dans la situation pratique connue par la SAS RENAULT qui a entendu
externaliser
un certain nombre d'activités mais qui ne peut pour autant
priver les salariés
concernés d'une représentation syndicale sur le lieu de
leur travail effectif En conséquence, il convient de
dire que seront inclus dans les
effectifs les salariés mis à disposition par les
entreprises exerçant les
activités non seulement de production mais encore de
fonctionnement participant
ainsi au processus de travail de l'entreprise, soient les
métiers de
surveillance, gardiennage, nettoyage, restauration, maintenance, ou
formation,
sauf participation ponctuelle ou exceptionnelle à
l'activité de l'entreprise. 4) en ce qui concerne les
salariés en départ CASA : Les travailleurs en cessation
définitive d'activité ayant adhéré au
dispositif CASA ne sont pas pris en compte dans les effectifs en
matière de
représentation du personnel, au motif que leur contrat de
travail a été
suspendu de manière définitive et qu'ils ne
perçoivent plus aucune rémunération
de leur ancien employeur, et ce en application des dispositions de
l'accord du
26.07.99 relatif à la cessation d'activité des
salariés âgés (article 10).
Cependant il a été stipulé que lorsque
l'entrée dans le dispositif s'effectue
entre 55 et 57 ans sans suspension définitive de
l'activité, le salarié reste
pris en compte dans les effectifs de l'établissement. Il a été plaidé
qu'aucun salarié ne répondait à ces derniers
critères;
il appartiendra à l'employeur de le justifier auprès des
syndicats demandeurs. 2) Sur les conditions
posées pour déterminer l'électorat: 1) en ce qui concerne les
délégués du personnel : Sont électeurs les
salariés des deux sexes, âgés de 16 ans accomplis,
travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant
encouru
aucune des condamnations prévues aux article L 5 et L 6
C.Electoral. Le protocole d'accord proposé
à la négociation en vue des élections de
l'année 2003 prévoit que : « Sont électeurs les
salariés Renault ainsi que les salariés des
entreprises prestataires répondant aux critères de la
charge du 29.11.02
(article 2) ». Or il est constant que les
salariés détachés ou mis à disposition sont
susceptibles d'avoir à présenter des réclamations
identiques à celles du
personnel de l'entreprise utilisatrice, de sorte que leur
électorat est
nécessaire pour assurer leur protection ainsi que le
relève la doctrine, mais
ce, sous réserve que pour l’exécution de leur travail,
ils relèvent de l'
autorité de l' entreprise utilisatrice. Il y a lieu de renvoyer à la
négociation des partenaires sociaux pour
l'application de ce principe. En effet, il convient de
déterminer au cas par
cas si les salariés concernés, tout en dépendant
de leur entreprise d’origine
pour ce qui a trait à leurs salaires et leur carrière,
sont placés sous la
subordination de l'entreprise d'accueil dans l'exécution de leur
travail. 2) en ce qui concerne les membres du
comité
d'établissement : L'objet du comité d'entreprise
est d'assurer une expression collective
des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs
intérêts dans
les décisions relatives à la gestion et à
l’évolution économique et financière
de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la
formation professionnelle et
aux techniques de production. La cour de cassation a jugé
constamment que les salariés extérieurs ne
pouvaient être électeurs au sein de l'entreprise
utilisatrice car ils n'ont pas
le même intérêt que ceux de cette entreprise au sort
et à la gestion d'une
entreprise dont ils ne partagent pas les aléas. Cette analyse
est juridiquement
et financièrement exacte, même si sur le plan
économique le sort de l’entreprise
utilisatrice constitue un aléa essentiel pour les
salariés extérieurs. Seul le syndicat SUD revendique cette
extension qui n’est souhaitée
par aucun des autres partenaires à la négociation en
raison des conséquences
notamment sur la gestion des oeuvres sociales du comité. La
charte d'entreprise
a laissé à chaque établissement le soin de
régler la question de l'électorat;
en l'espèce, l'établissement de GUYANCOURT n'est pas
favorable à la prise en
compte extensive de l'électorat en ce qui concerne ce scrutin
particulier. Il n 'y a pas lieu de faire droit
à sa demande sur ce point. 3) Sur le mode de répartition
des salariés mis à disposition entre
les collèges : A défaut d'accord sur ce point,
les parties devront saisir
l'inspecteur du travail seul compétent pour trancher cette
question. 4) Sur les conséquences de la
présente décision en ce qui concerne
le scrutin prévu pour le 6 mars
2003 : Les protocoles d'accord en date du
06.02.03 doivent être annulés au vu
de la solution donnée au litige. Les élections n’ayant
pas eu lieu, ne peuvent
être annulées. Il convient en conséquence de
renvoyer les parties à la négociation
pour l’application de la présente décision et de les
inciter à prévoir la
prorogation des mandats en cours pour assurer le maintien de la
représentation
des salariés au sein de l'établissement. Il n’est pas inéquitable de
laisser à la charge de chacune des parties
les sommes exposées et non comprises dans les dépens. PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement par
décision prise en la forme des référés
contradictoirement et en dernier ressort : Vu le jugement rendu par le T.I. de
Versailles le 21.11.00 ; EN CE QUI CONCERNE LES
EFFECTIFS A
PRENDRE EN COMPTE POUR LE SCRUTIN: Disons que l'employeur doit de bonne foi
communiquer aux organisations
syndicales qui le lui demandent les documents nécessaires au
contrôle de
l'application faite par lui de la méthode de
détermination des effectifs ; Disons que les organisations syndicales
qui en feront la demande s’engagent
par ce simple fait à respecter une obligation de
discrétion dans l'utilisation
de ces documents ; Disons que les travailleurs mis à
disposition par une entreprise
extérieure doivent être pris en compte dans l'effectif de
l'entreprise au
prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des 12
mois précédents
le scrutin ; Disons que seront inclus dans les
effectifs, les salariés mis à
disposition par les entreprises extérieures et exerçant
une activité non
seulement de production mais également de fonctionnement pour
autant que cette
participation ne soit ni ponctuelle ni exceptionnelle ; Disons que les salariés en
départ CASA ne doivent pas être pris en
compte dans les effectifs, sauf lorsque l'entrée dans le
dispositif s'effectue
entre 55 et 57 ans sans suspension définitive de
l'activité ; EN CE QUI CONCERNE LA
DETERMINATION
DE L'ELECTORAT : Disons que les salariés mis
à disposition doivent être inclus dans
l'électorat relatif aux élections des
délégués du personnel, sous réserve que
pour l'exécution de leur travail ils relèvent de
l'autorité de l'entreprise
utilisatrice ; Disons qu'il convient en revanche
d'exclure ces salariés pour les
élections des membres du comité d'établissement ; Constatons l'incompétence
matérielle du tribunal d'instance quant au
mode de répartition des salariés mis à disposition
entre les collèges ; Annulons en conséquence les
articles des protocoles d'accord en date
du 06.02.03 qui seraient contraires à ces dispositions ; Renvoyons les parties à la
négociation pour l'application de ces
dispositions et la mise en place d'un nouveau calendrier
électoral ; Disons que les partenaires devront
négocier la prorogation des mandats
en cours ; Rejetons le surplus des demandes ; Rappelons que la présente
décision n'est susceptible que d'un pourvoi
en cassation à caractère non suspensif dans le
délai de 10 jours de sa
notification ; Disons que la procédure est par
nature sans frais. Ainsi jugé et prononcé
à l’audience publique de ce jour.
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retour mandature 2003-2005 |