balance

balance

 

Audience du 5 décembre 2000 à 14h00

A Messieurs les présidents et Conseillers
composant la section industrie du
Conseil de Prud'hommes de Versailles

CONCLUSIONS

POUR

La société RENAULT Etablissement de Guyancourt 1, avenue du Golf 78288 Guyancourt Cedex

Ayant pour Avocat :

Maître Yasmine Tarasewicz

PROSKAUERROSE

68, rue du Faubourg Saint Honoré 75008 Paris

Tel. 01 53 05 60 00

Vest. 1043

CONTRE

Monsieur Allain MARTJNEZ

32. rue Trouillet 92600 Asnières sur Seine

Ayant pour Avocat :

Maître Thierry Domas

29. avenue Georges Mandel 75116 Paris

Tel. 01 53 70 07 90

PLAISE AU CONSEIL

Monsieur Alain Martinez a saisi, le 27 mars 2000. le Conseil de Prud'hommes de Versailles aux fins de voir annuler l'avertissement dont il a rait l'objet par lettre en date du 14 décembre 1999 ainsi que la mise à pied qui lui a été notifiée par lettre en date du 12 janvier 2000.

Il sollicite, en outre, la condamnation de la société Renault au paiement de la somme de 2.500 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code do Procédure Civile.

Les demandes de Monsieur Alain Martinez n'étant pas fondées, il en sera intégralement débouté.

1 - FAITS.

Monsieur Alain Martinez a é;té engagé le 1er janvier 1993 par la société Renault en qualité de technicien recherches études essai. Il exerce actuellement ses fonctions au sein de l'établissement de Guyancourt.

Le vendredi 10 décembre 1999, entre 12h00 et 13h00, Monsieur Alain Martinez a distribué devant l'un des restaurant  de l'établissement de Guyancourt, des tracts à en-tête du syndicat S U D. La distribution des tracts devant le restaurant a été constatée par huissier de justice.

Or, le syndicat n'avait pas d’existence légale, et en tout état de cause, pas de représentativité reconnue au sein de l'établissement de Guyancourt â cette date. La distribution de tracts à en tête de ce syndicat était, par conséquent, illicite en application des dispositions de l' article L. 412-8 du Code du Travail.

La société Renault a donc, par lettre en date du 14 décembre 1999, notifié à Monsieur AlaIn Martinez un avertissement. Monsieur Alain Martinez ne conteste pas, devant le Conseil de céans, cette sanction.

La société Renault a indiqué à Monsieur Alain Martinez que  « si de tels faits se reproduisaient  des sanctions plus lourdes ne pourraient qu'être infligées ».

Toutefois, le vendredi 22 décembre 1999, Monsieur Alain Martinez a de nouveau distribué devant les restaurants un document intitulé « Conte de Noël » qui évoquait la création du syndicat SUD.

Par lettre en date du 23 décembre 1999, Monsieur Alain Martinez a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction. L'entretien préalable s'est déroulé le 6 janvier 2000.

Par lettre en date du 12 janvier 2000, Monsieur Alain Martinez a fait l'objet d'un jour de mise à pied qui s'est déroulé le 20 janvier 2000.

Telles sont les conditions dans lesquelles Monsieur Alain Martinez a saisi le Conseil de céans aux fins de voir annuler l’avertissement qui lui a été notifié par lette en date du 14 décembre 1999 et la mise à pied dont il fait l’objet par lette en date du 12 janvier 2000

Les demandes de Monsieur Alain Martinez étant manifestement non fondées, il en sera intégralement débouté.

II DISCUSSION

Par lettres en date du 14 décembre 1999 et du 12 janvier 2000, Monsieur Alain Martinez; a fait l'objet d'un avertissement et d'une mise à pied aux motifs qu'il avait, en violation des dispositions de l'article L.412-8 du Code du Travail- distribue des tracts dans l'enceinte de 1'entreprise, aux heures d’entré et sortie du personnel.

En l'absence des écritures de Monsieur Alain Martinez, la société Renault ignore les arguments de faits et de droit sur lesquels ce dernier fonde ses prétentions.

Toutefois, il sera démontré que Monsieur Alain Martinez, en distribuant des tracts à en tête du syndicat SUD dans l'enceinte de l'entreprise, le vendredi 10 décembre 1999 et le vendredi 22 décembre 1999, a commis une faute qui pouvait valablement être sanctionnée par la société Renault.

La loi du 27 décembre 1968 relative à l'exercice du droit syndical dans l'entreprise a reconnu aux organisations syndicales la liberté d'exprimer les revendications relatives à la défense des intérêts et des droits des personnes qu'ils représentent par la voie de la diffusion de tracts dans l’entreprise.

Toutefois, le droit de distribuer librement des tracts dans l'entreprise est reconnu aux seules organisations syndicales et non aux salariés de l'entreprise pris individuellement.

Dès lors, lorsqu'un salarié distribue: dans l'enceinte de l'entreprise des tracts syndicaux, il convient non seulement que l'organisation syndicale, émettrice des tracts) existe légalement (1) mais aussi que la représentativité de cette organisation soit reconnue dans l'entreprise (2).

Tel n'était pas le cas du syndicat SUD lorsque Monsieur Alain Martinez a distribué des tracts, le vendredi 10 décembre 1999 et le vendredi 22 décembre 1999, à en-tête de ce syndicat les restaurants de l'établissement de Guyancourt.

1 Le syndicat SUD n’avait pas d’existence légale lorsque Monsieur Alain Martinez a distribué, le vendredi 10 décembre 1999, des tracts à en-tête de ce syndicat

L’article L.411.1 du Code du Travail définit un syndicat comme une organisation ayant « pour objet l'élude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux collectifs et  individuels, des personnes visée  par leurs statut ».

Il résulte de la lecture de cette définition que l'activité syndicale et l'exercice par les adhérents d'une organisation syndicale, de l'objet social du syndicat objet social qui doit être défini dans les statuts.

Le législateur considère d’ailleurs que si les syndicats peuvent se constituer « librement », «/es fondateurs de tout syndicat professionnel doivent déposer les statuts et les noms de ceux qui, à titre quelconque, sont chargés de l’administration ou de la direction » (art. L.411-3 du Code du Travail).

Dès lors, ainsi que la jurisprudence le reconnaît, un syndicat n'a d'existence légale et ne peut par conséquence développer une activité qu'à compter du jour du dépôt de ses statuts (Cass. Soc. 22 juillet 1980, Bull. Civ. V, n°615; Case. Soc. 21 janvier 1988, Bull. Civ. V. n°69).

En l'espèce, Monsieur Alain Martinez ainsi que quelques sa1ariés de l'établissent de Guyancourt ont distribué, le vendredi 10 décembre 1999, des tracts à en tête du syndicat SUD.

Ce tract intitulé ( De la CFDT à SUD ») annonçait aux sa1ariés de l'établissement de Guyancourt la création prochaine d'un syndicat SUD.

Les statuts du syndicat SUD ont été déposés à la préfecture des Yvelines le-20 décembre 1999.

Force est donc de constater qu'à la date du vendredi 10 décembre 1999, le syndicat SUD n'avait pas d'existence légale dans l'entreprise puisque c"est seulement dix jours plus tard que le dépôt des statuts est intervenu.

Dès lors, la distribution de tracts par Monsieur Alain Martinez ne constituait pas une « activité syndicale », les statuts du syndicat SUD n'ayant pas été déposés et ce syndicat n'ayant, de ce fait, pas d'existence légale.

En conséquence, la sanction dont Monsieur Alain Martinez a fait l'objet par lettre en date du 14 décembre 2000 est justifiée par l'inexistence du syndicat SUD à la date de la distribution effectuée.

2 En tout état de cause, la représentativité du syndicat SUD n’était pas reconnue lorsque Monsieur Alain Martinez a distribué des tracts dans l’enceinte de l’entreprise.

L'article L.412-8 du Code du Travail, issu de ta loi du 27 décembre 1968, consacre le droit, pour une section syndica1e de distribuer librement des tracts dans l'entreprise.

Cet article dispose: «Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusées aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée el de sortie du travail »

L’article L.412-8 du Code du Travail figure au livre IV, titre 1, chapitre II du Code du Travail relative au section syndicale.

Or, l'article L.412-6 du Code du Travail qui introduit la  section II du livre IV, titre L chapitre 11 du même code précise: « Chaque syndicat représentatif peut décider de constituer au sein de l’entreprise une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres, conformément aux dispositions de l’article L.411-1 »

Il résulte par conséquent de la lecture ces dispositions que seule une section syndicale, constituée par un syndicat représentatif, peut distribuer des tracts dans l'enceinte de l'entreprise, aux heures d’entrée et sortie du personnel

La doctrine considère d’ailleurs, de manière unanime, que la distribution des tracts, comme tous les autres moyens d'action et d'expression des organisations syndicales, est liée à la reconnaissance de la représentativité de l'organisation syndicale dans 1'entreprise (Francis Saramito), « La diffusion des publications et tracts de nature syndicale à l'intérieur des entreprises). Droit ouvrier 1975. p.115 et suiv. ; Jean-Mauric~ Verdier, « droit syndical », Dalloz, p.188 et suiv. ; Syndicats professionnels, le droit syndical dans l’entreprise,  Enc. Dalloz, p.15).

En l'espèce, Monsieur Alain Martinez a distribué. le vendredi 10 décembre 1999 et le vendredi 22 décembre 1999, devant les restaurants de l'établissement de Guyancourt, des tracts à en-tête du syndicat SUD.

Le. 14 janvier 2000, le syndicat SUD a procédé à la désignation d'un représentant syndical au con1ité d'établissement et de cinq délégués syndicaux.

Par requête en date du 27 janvier 2000, la société Renault a contesté, devant 1e Tribunal d'Instance de Versailles, les désignations effectuées au motif que le syndicat SUD, créé le 20 décembre 1999, ne rapportait pas la preuve de sa représentativité au sein de l'établissement de Guyancourt.

Par jugement en date du 28 mars 2000, le Tribunal d'instance de Versailles a reconnu la représentativité du syndicat SUD au plan de l'établissement.

En conséquence, à la date où Monsieur Alain Martinez a distribué des tracts, le syndicat SUD n'était pas reconnu comme représentatif au plan de l'établissement

Le syndical SUD ne disposait donc pas, en application des dispositions de l'article L.412-8 du Code du Travail, du droit de diffuser des tracts dans l'enceinte de J'entreprise.

Au surp1us, l'on précisera que, par lettre en date du 14 décembre 1999, Monsieur Alain Martinez a fait 1'objet d'un avertissement pour avoir distribué, de manière illicite, des tracts devant un des restaurants de l’établissement.

Monsieur Alain Martinez n’a néanmoins pas hésité, le vendredi 22 décembre 1999, à distribuer à nouveau des tracts dans l'enceinte de l'entreprise et ce alors qu'il avait été informé du caractère  illicite de cette activité.

La société Renault a donc, à bon droit, sanctionné les agissements répétés de Monsieur Alain Martinez en lui notifiant une mise à pied d'une journée par lettre en date du 12 janvier 2000.

Il résulte de l’ensemble de ces observations que Monsieur Alain Martinez a distribué des tracts à en-tête du syndicat SUD dans l’enceinte de l’entreprise, aux heures d’entrée et de sortie du personnel, alors que le syndicat SUD n’avait pas déposé ses statuts et n’était pas davantage reconnu comme représentatif au plan de l’établissement de Guyancourt.

Monsieur Alain Martinez a donc commis une faute que la société Renàu1t pouvait valablement sanctionner.

Les sanctions dont Monsieur Alain Martinez a fait l'objet, par lettres en date du 14 décembre 1999 et du 12 janvier 2000, sont donc parfaitement justifiées et le Conseil de céans ne pourra que le débouter de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

Il est demandé au Conseil de céans de :

. Débouter Monsieur Alain Martinez de l'ensemble de ses demandes.

SOUS TOUTES RESERVES


 

 


 

 

 retour