Saisine du 27 Mars 2000.
2000.
Convocations de la partie
défenderesse par le greffe (L.R.A.R. et
L.S.) en date du 05 Avril 2000
Audience de conciliation du 23 Mai 2000
Les parties ont comparu.
Echec de la tentative de conciliation.
Renvoi de l'affaire devant le bureau de
jugement du 19 Septembre 2000,
par émargement des parties.
Ce jour, l'affaire fait l'objet d'un
renvoi au 05 Décembre 2000, les
parties dûment convoquées.
Affaire mise en
délibéré pour prononcé à la date du
30 Janvier 2001.
Ce jour, le Conseil se déclare en
partage de voix.
L'affaire a été
renvoyée à l'audience de bureau de jugement du 11
Septembre 2001, présidée par le Juge Départiteur,
les parties dûment
convoquées.
Ce jour, les parties ont comparu comme
indiqué en première page du
présent jugement.
Affaire mise en
délibéré pour prononcé à la date
indiquée en première
page.
Ce jour, le Conseil après en
avoir
délibéré, prononça le jugement suivant :
Jean-Pierre GUEGUEN a
saisi le Conseil des Prud'hommes de Versailles par LRAR du 27.03.00
d'une
demande à l'encontre de la SA RENAULT tendant à
l'annulation de l'avertissement
du 20.12.00 et de la mise à pied du 19. 01.00 avec rappel de
salaire, et en
paiement sur le fondement de l'article 700 NCPC de la somme de 2.500F.
Les
parties ont été convoquées à l'audience de
conciliation du 23.05.00 par
courrier du 05.04.00. L'affaire a été renvoyée
devant le bureau de jugement à
la date du 19.09.00, puis, après renvoi, à l'audience de
départage du 11.09.01.
A cette audience, Jean-Pierre GUEGUEN a
réitéré ses demandes initiales
tout en chiffrant à 835,21F le montant du salaire correspondant
à la journée de
mise à pied; il a en outre sollicité l'annulation de
l'avertissement du
14.12.99.
Il a rappelé qu'une section
syndicale SUD RENAULT (Solidaires
Unitaires Démocratiques) avait été
constituée par la quasi-totalité des élus
CFDT de l'entreprise le 09.12.99, lui même étant
jusqu'alors délégué du
personnel CFDT. Le responsable des relations sociales dans l'entreprise
a
accusé réception de cette déclaration le 10.12.99.
Les statuts du syndicat SUD RENAULT ont
été déposés à la Préfecture
des Yvelines les 16.12.99 et enregistrés au Répertoire
Départementales des
Syndicats Ouvriers le 20.12.99.
La société RENAULT a
tenté d'entraver l'action de la section syndicale
nouvellement créée :
- le 09.12.99 elle a fait modifier le
code d'entrée de la porte du
local syndical CFDT ;
- le 10.12.99 elle a changé le
barillet de la porte de ce local sans
la présence d'un représentant du personnel ;
- elle a adressé en outre aux
salariés mentionnés sur le tract
d'annonce de création de SUD une LRAR rappelant l'interdiction
de l'utilisation
du matériel de l'entreprise à des fins syndicales sous
peine de sanctions
disciplinaires ;
- elle a interdit le même jour la
distribution de tracts par ces
salariés aux entrées des quatre restaurants du
Technocentre sous le motif que
le syndicat SUD RENAULT n'existe pas et ce sous le contrôle d'un
Huissier de
Justice ;
- enfin, il a été
tenté de mettre fin à la distribution de tracts
effectuée à l'extérieur de l'enceinte de
sécurité de la gare routière vers
16h45, en présence d'un Huissier ;
- un avertissement a été
notifié le 14.12.99 aux salariés concernés au
motif que :"SUD est une organisation syndicale non
représentative au sein
de l'établissement RENAULT Guyancourt Aubevoye. Cette
distribution constatée
par Huissier de Justice est donc illicite car réalisée en
contravention avec
l'article L 412-8 C. Trav . " ; Ces salariés sont menacés
de sanctions
plus lourdes en cas de récidive ;
-la direction de RENAULT a avisé
les salariés concernés qu'elle leur
conteste tout droit à intervenir lors de la réunion
mensuelle du 17 décembre
suivant, en leur qualité de délégués du
personnel, la section syndicale SUD
étant "inconnue à Guyancourt".
- Le 17.12. 99 était
diffusé devant les restaurants d'entreprise Les
Cascades et la Rotonde à partir de 12 heures un compte rendu de
la réunion des
délégués du personnel, sans qu'il soit
mentionné le syndicat SUD ; il était
signé par les salariés en leur qualité de
délégués du personnel. L'arrêt de
cette distribution était demandé sous contrôle d'un
Huissier.
A la suite de cette diffusion, Jean
Pierre GUEGUEN, Alain MARTINEZ et
Bernard PUJKIS étaient convoqués le 23.12.99 pour un
entretien préalable devant
se tenir le 06.01.00, en application de l'article L 412-8 C. Trav. Une
mise à
pied d'une journée leur était notifiée le 12.01.00
au motif que: "Ce
document évoque sans contestation possible la création
d'un groupement ou
organisation intitulé SUD qui n'a aucune existence légale
dans l'établissement
Renault de Guyancourt"
- La société RENAULT a
contesté le 27.01.00 la désignation par le syndicat
SUD de ses délégués syndicaux et
représentant au CE effectuée le 13.01.00 ; par
jugement rendu le 28.03.00, le T.I. de Versailles a
déclaré le syndicat SUD
RENAULT représentatif.
Jean Pierre GUEGUEN a invoqué la
légalité de l'action syndicale
entreprise au regard de l'existence du syndicat SUD RENAULT,
déclaré
représentatif au sein de l'établissement. L'article L
411-2 C. Trav. autorise
la constitution des syndicats ou associations professionnelles tandis
que
l'article L 411-3 du même Code impose aux fondateurs de tout
syndicat
professionnel le dépôt des statuts auprès de
l'administration. Cependant,
l'action en justice dirigée à l'encontre d'un syndicat
ayant clairement
manifesté son existence de fait, sans que les formalités
de dépôt en mairie
aient été respectées, doit être
déclarée recevable (C.Cass 21.07.86). Aux
termes de l'article 2 L. 01.07.01, les associations mêmes non
déclarées peuvent
se prévaloir d'une existence légale (C.E. 21.04.97). Le
Tribunal peut constater
l'existence d'un syndicat en voie de formation en relevant chez les
adhérents
l'intention expresse de se grouper en vue d'exercer une activité
syndicale
commune (C.Cass 07.05.87). Il a enfin invoqué l'article 11 de la
Convention
Européenne des Droits de l'Homme.
J.P. GUEGUEN a excipé d'un abus
de droit visant à empêcher
l'expression d'un nouveau syndicat, caractérisant la
discrimination
anti-syndicale telle que définie par les articles L 412-2 al 1
et L 122-45 C.
Trav. Il a relevé que la concomitance de la sanction et de
l'adhésion à un
syndicat ou de la prise de fonction syndicale constitue pour la
jurisprudence
un indice de l'existence d'une discrimination anti-syndicale ; de
même si
l'employeur inflige une sanction disproportionnée à la
faute commise; ou si
l'employeur applique une différence de traitement entre les
personnes et les
organisations syndicales résultant de sanctions. La sanction
prononcée doit
être considérée comme discriminatoire si
l'activité syndicale du salarié
n'excède pas ses droits ou prérogatives.
En conséquence, les
salariés pouvaient dès le 10.12.00, date de la
création effective de leur syndicat et de sa notification
à la direction,
exercer une action syndicale normale comprenant une distribution de
tract
effectuée dans des conditions régulières;
cependant ils ont été mis dans
l'impossibilité d'exercer leurs mandats d'élus du
personnel par le retrait des
moyens habituels octroyés à ce titre par l'entreprise et
ceci les a contraint à
utiliser leur ligne téléphonique ou leur fax personnel;
la notion de récidive à
l'encontre de MM. MARTINEZ, GUEGUEN et PUJKIS a été
retenue à tort. Il est
estimé que l'attitude de la société RENAULT,
constitutive d'un abus de droit
visant à empêcher l'expression du nouveau syndicat,
représente une pratique
discriminatoire au sens de l'article L 412-2 al 1 C.Trav.
La SA RENAULT Etablissement de Guyancourt a précisé en
réponse que J.P. GUEGUEN avait été
engagé le 05.04.66 en qualité d'ajusteur. Elle s'est
prévalue de la faute
commise par son salarié, ayant distribué des tracts
à en-tête du syndicat SUD
dans l'enceinte de l'entreprise le 10.12.00, pour justifier
l'avertissement qui
lui avait été notifié le 14.12.99 avec mise en
garde en cas de récidive. Ce
dernier a en outre invité les salariés à le
contacter à son numéro personnel
professionnel dans un tract à en-tête du syndicat SUD et a
adressé au
responsable des relations sociales sur son fax personnel professionnel,
une
liste de questions à poser aux délégués du
personnel le 15.12.99 ; ceci lui a
valu un second avertissement le 20.12.00. Ayant à nouveau
distribué devant les
restaurants d'entreprise le 22.12.99 un document intitulé "Conte
de
Noël" évoquant la création du syndicat SUD, J.P.
GUEGUEN a été convoqué à
un entretien préalable par lettre du 23.12.99 ; il a fait
l'objet d'un jour de
mise à pied selon notification du 12.01.00.
Elle a soutenu que le droit de
distribuer librement des tracts dans l'
entreprise est reconnu aux seules organisations syndicales et non aux
salariés
pris individuellement.
- Or d'une part le syndicat SUD n'avait
pas à cette date d'existence
légale, ses statuts n'ayant été
déposés que le 20.12.99 ; la société
RENAULT a
rappelé que le dépôt des statuts en mairie
constituait une formalité
substantielle conditionnant l'existence légale d'un syndicat
(C.Soc. 07.05.87)
; dès lors le défaut d'exécution de cette
formalité prive l'organisation
syndicale d'exercer les droits reconnus par la loi aux syndicats ;
- d'autre part la
représentativité du syndicat SUD n'était pas
reconnue. Il ressort des dispositions combinées des articles L
412-8 et L 412-6
C.Trav., que seule une section syndicale constituée par un
syndicat
représentatif peut distribuer des tracts dans l'enceinte de
l'entreprise aux
heures d'entrée et de sortie du personnel.
Elle a en outre contesté toute
forme de discrimination syndicale à
l'encontre du syndicat SUD. Elle a indiqué qu'elle avait
sanctionné par les
avertissements donnés l'acte illégal commis par ses
salariés, en l'absence de
représentativité reconnue audit syndicat à
l'époque des faits A cette date, les
salariés en cause ne pouvaient exercer une "activité
syndicale" .
La différence de traitement
reprochée par ces derniers à la direction
de l'établissement se justifie par le fait que les
précédentes distributions de
tracts avaient été réalisées au nom de
syndicats représentatifs de plein droit.
Par ailleurs, elle a entendu
préciser que l'accès au local syndical
CFDT avait fermé compte tenu du changement d'affiliation des
élus CFDT au
profit du syndicat SUD .
Elle a rappelé que la
société mettait à la disposition des
représentants du personnel pour l' exercice de leur
activité des moyens
matériels au sein du local syndical; en revanche il est interdit
aux salariés
d'utiliser à des fins syndicales les moyens matériels mis
à leur disposition
pour le seul exercice de leur activité professionnelle. Or le
syndicat SUD a
invité les salariés par la voie d'un tract à ses
adhérents sur leurs numéros
personnels; une mise en garde a été adressée aux
salariés se prévalant d'une
affiliation SUD le 10.12.99.
La distribution de tracts en dehors de
l'enceinte de l'entreprise n'a
pas été sanctionnée.
Dès lors, la
société RENAUL T n'a fait qu'user de son pouvoir
général
de direction.
Oralement, pour justifier sa
démarche, le syndicat SUD a précisé avoir
obtenu 20% des voix aux dernières élections
professionnelles. Il a également
été plaidé qu'il convenait de s'attacher à
l'esprit des textes plutôt qu'à la
lettre. Il a été indiqué que les
délégués du personnel exerçaient leurs
activités dans le local fermé autoritairement par la
société, alors qu'ils
n'avaient pas démissionné de leurs postes tout en ayant
changé d'affiliation
syndicale. Il est dans la pratique syndicale de distribuer des tracts
à
proximité des cantines, lieu de passage obligé des
salariés, sans gêne pour le
fonctionnement de l'entreprise, plutôt qu'aux nombreux lieux
d'entrée-sortie du
personnel, réservés aux "politiques".
SUR CE :
1) en ce qui concerne les faits du
10.12.99 :
Sur la réalité de la faute
:
Il est reproché à J.P.
GUEGUEN d'avoir distribué le 10.12.99 au sein
de l'établissement un tract à en-tête d'un syndicat
ni légalement constitué à
cette date et ni reconnu comme représentatif dans l'entreprise.
Il est constant que si le syndicat SUD
RENAULT s'est constitué le
09.12.99, les statuts de ce syndicat n'ont été
visés par la Préfecture des
Yvelines que le 16.12.99 soit postérieurement à la date
de cette distribution.
Or, jusqu'au jour du dépôt
de ses statuts, le syndicat SUD RENAULT
n'avait pas d'existence légale. Il ne pouvait donc
bénéficier des droits
reconnus aux syndicats et plus particulièrement aux sections
syndicales dans
les articles L 412-6 et s. C. Trav.
Par suite, c'est illégalement que
J.P. GUEGUEN a distribué le tract
litigieux le 10.12.99; ce fait est constitutif d'une faute de nature
à
entraîner une sanction disciplinaire de la part de l’employeur.
Sur l'adéquation de la sanction :
Il appartient cependant au juge du fond
de vérifier l'adéquation de la
sanction au regard à la gravité de la faute commise par
le salarié.
L'employeur est en droit de choisir la
sanction qu' il envisage de
prononcer sous réserve de toute discrimination et en respectant
les
dispositions du règlement intérieur de l'entreprise
En l'espèce, J.P. GUEGUEN a fait
l'objet d'un avertissement par lettre
du 14.12.99 motivé de la manière suivante :
"Le vendredi 10.12.99, entre 12hOO et
13h00, vous avez distribué,
devant les 4 restaurants de l'établissement de Guyancourt qui
sont situés à
l'intérieur du site, un tract intitulé "de la CFDT
à SUD" à en-tête
de "SUD-Solidaires, Unitaires, Démocratiques".
Or, SUD est une organisation syndicale
non représentative au sein de
l'établissement Renault Guyancourt- Aubevoye. "
Cette distribution de tracts
émanant d'une organisation syndicale non
régulièrement constituée était
illégale et pouvait dès lors justifier un avertissement
écrit émanant de l'employeur, même si ce dernier ne
produit pas le règlement
intérieur de l'entreprise, qui aurait pu être applicable
à l'espèce.
Par ailleurs, la discrimination
syndicale invoquée, en ce qui concerne
les mesures disciplinaires prises, n'est pas démontrée en
l'état, à défaut pour
le syndicat en cause d'apporter des éléments de
comparaison dans le temps ou
par rapport à la situation qui serait faite aux autres syndicats
dans la même
entreprise.
Il appartient en effet au salarié
qui se prétend lésé par une mesure
discriminatoire de soumettre au juge les éléments de
faits susceptibles de
caractériser une atteinte au principe d’égalité de
traitement tel que posé par l’article
L 122-45 C. Trav .
L’employeur a rappelé à
l’audience que les précédentes distributions
de tracts avaient été réalisées au sein de
l’établissement au nom de syndicats
représentatifs de plein droit. Il a autoritairement fermé
le local mis à la
disposition de la section syndicale CFDT dès le 09.12 99 sur le
site de
Aubevoye, sans avertissement préalable, privant ainsi les
délégués du personnel
des moyens mis à leur disposition dans le local syndical. Un
espace "algéco"
leur a été ouvert par la suite. La société
RENAULT a régulièrement rappelé aux
salariés concernés notamment par courrier des 11.10.99 et
10.12.99,
l'interdiction qui leur était faite d'utiliser le
matériel qui leur était
confié dans l'exercice de leurs fonctions et ce, à des
fins syndicales. Si la
société RENAULT a tenté de s'opposer le 10.12.99
à la distribution de tracts au
niveau de la gare routière, qui n'est pas incluse dans le
périmètre de
l'établissement de Guyancourt ainsi qu'il ressort du plan du
Technocentre, elle
n'en a tenu aucun compte sur le plan disciplinaire
Ces seuls éléments ne sont
pas de nature à établir une pratique
discriminatoire au sens des articles L 412-2 al 1er et L 122-45 C.Trav.
Il convient en conséquence de
débouter J.P. GUEGUEN de sa demande en
annulation de la sanction qui lui a été infligée.
2) en ce qui concerne les faits du
22.12.99 :
Sur la réalité de la.faute
:
Il est encore reproché à
Jean Pierre GUEGUEN d'avoir distribué le
22.12. 99 devant les restaurants de l'entreprise un document
intitulé
"Conte de Noël" évoquant la création du syndicat SUD.
Dans sa lettre suivant l'entretien
préalable du 12.01. 99, précédent
une éventuelle décision de sanction disciplinaire, le
responsable des Relations
Sociales de l'entreprise RENAULT lui reproche plus
particulièrement la
distribution d'un document évoquant "sans contestation possible,
la
création d'un groupement, ou organisation, intitulé SUD
qui n'a aucune
existence légale dans l'établissement Renault de
Guyancourt. Par conséquent, la
diffusion de ce document à l'intérieur d'un site de
Renault est illégale".
Il a été tenu compte du précédent
avertissement adressé au salarié pour
constater une récidive, conduisant la Direction de
l'établissement à
sanctionner les faits d'une mise à pied de une journée.
A la date du 22.12.99, les statuts du
syndicat SUD RENAULT avaient été
légalement déposés. Cependant, ce syndicat, ne
bénéficiant d'aucune présomption
de représentativité, n'avait pas encore été
reconnu représentatif
judiciairement
Conformément aux dispositions de
l'article L 412-6 C.Trav., chaque
syndicat représentatif peut décider de constituer au sein
de l'entreprise une
section syndicale qui assure la représentation des
intérêts matériels et moraux
de ses membres.
Les tracts de nature syndicale peuvent
être librement diffusés aux
travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures
d'entrée et
de sortie du travail. Cette disposition vise l'un des moyens d'action
dont
dispose une section syndicale régulièrement
constituée et affiliée à un
syndicat reconnu représentatif dans l'établissement soit
légalement soit
judiciairement
Le tract intitulé "conte de
noël" n'était pas rédigé à
en-tête du syndicat SUD RENAULT, mais signé par ses
fondateurs, en leur qualité
d'élus du personnel, et il évoque de manière
satyrique l'attitude de la Direction
vis à vis de l'implantation de la section syndicale SUD ; il
s'agissait dans ce
document de mettre en garde les salariés non pas contre une
dégradation de
leurs conditions de travail, mais bien contre les difficultés
d'exercice du
droit syndical dans l'entreprise.
Il est établi par le constat
d'huissier et les attestations fournies
que ce tract de nature syndicale a été diffusé
à l'intérieur de
l'établissement.
En conséquence, cette
distribution était illégale au sens de l'article
L 412-8 C.Trav.
Sur l'adéquation de la sanction
disciplinaire :
La distribution de tracts faite dans des
conditions qui ne
respecteraient pas les modalités fixées par la loi rend
le salarié qui s'y est
livré passible de sanctions disciplinaires.
Pour autant cette sanction doit rester
proportionnée au regard de la
faute commise et du contexte dans lequel se sont déroulés
les faits.
Il ressort des éléments
versés aux débats que la Direction a refusé
tout dialogue avec les membres de la section syndicale nouvellement
créée au sein
de son établissement; elle a nié son existence dans les
différents courriers
adressés à ses adhérents et dans les faits en leur
interdisant du jour au
lendemain l'accès au local syndical qui était le leur
jusqu'au changement
d'affiliation. En lui interdisant tout moyen de s'implanter au sein de
l'établissement, elle a favorisé un mouvement de
défense de la part d'un
certain nombre de salariés attachés à la
liberté d'expression dans leur
entreprise et à l'exercice de la liberté syndicale. Ceci
s'est manifesté en
particulier le 06.01.00 lors d'une manifestation de soutien en faveur
des
salariés convoqués à un entretien devant le
Directeur du Personnel; mais
également dans des tracts diffusés en toute
légalité tant par la CGT que par la
CFDT .
La mise à pied d'une
journée, mesure de suspension temporaire du
contrat de travail, et préalable éventuel à une
sanction plus grave en cas de
récidive, était disproportionnée dans ce contexte.
Elle n'avait pas pour autant le
caractère de mesure discriminatoire
puisqu'elle aurait eu pour objet de sanctionner tout action relevant
d'un
syndicat n'ayant aucune existence légale au sein de
l'établissement. En effet
les lettres adressées aux salariés sanctionnés
relèvent ce motif essentiel à la
mesure prise. Il appartient au pouvoir de direction de l'employeur
d'éviter
toute action syndicale illégale et non contrôlée et
de faire respecter par ses
employés l'autorité du chef d'entreprise, restée
dans les limites imposées par
la Loi.
Par suite il convient d'annuler la
sanction prise à l'encontre de J.P.
GUEGUEN pour les faits du 22.12.99.
3) en ce qui concerne les faits du
15.12.99 :
Sur la réalité de la faute
:
Il est reproché plus
particulièrement à J.P. GUEGUEN d'avoir utilisé
à
des fins syndicales le matériel mis à sa disposition par
l'entreprise pour
l'exercice de sa profession.
Un avertissement lui a été
notifié le 20.12.99 et rédigé de la manière
suivante :
"Par une LRAR en date du 10.12.99, je
vous mettais en garde sur
l'interdiction d'utiliser à des fins de mandats électifs
le matériel que met
l'établissement à votre disposition pour votre
activité professionnelle.
Or le mercredi 15.12.99, vous m'avez
fait parvenir une liste de
questions posées par des délégués du
personnel en vue de la réunion mensuelle
de votre fax professionnel Le numéro de votre fax sur la partie
supérieure de
ce document en atteste."
La loi impose au chef d'entreprise de
mettre à la disposition de
chaque section syndicale un local convenable, aménagé et
doté du matériel
nécessaire à son fonctionnement.
En l'espèce il est ressorti des
débats à l'audience que l'employeur a
autoritairement fermé le local syndical CFDT le 09.12.99, ses
adhérents l'ayant
informé qu'ils avaient changé d'affiliation. Ils
s’agissaient pour la plupart
de délégués du personnel qui conservaient leurs
mandats. Ils n'étaient dès lors
plus en mesure de communiquer avec leur employeur en leur
qualité d'élus au
sein de l'entreprise, sinon en utilisant les moyens mis à leur
disposition pour
leur activité professionnelle. Les demandes transmises à
l'employeur par J.P.
GUEGUEN n'étaient pas de nature syndicale mais concernaient
strictement le
fonctionnement de l'entreprise. Par suite la SA RENAULT ne pouvaient
interdire
JP GUEGUEN, délégué du personnel, de lui
transmettre une liste de questions
sans références syndicales, et devant être
débattues en présence de ses
homologues, sur son fax professionnel, dans le cadre de son mandat
électif.
La société RENAUL T SA ne
démontre pas la réalité de la faute
reprochée à son salarié.
En conséquence, la sanction
prononcée doit être annulée.
Il ne sera pas fait droit à la
demande formée par la société RENAULT
sur le fondement de l' article 700 NCPC ; cette dernière a
maintenu en effet
des sanctions, certes formellement justifiées, mais inopportunes
tant au regard
de l'évolution de la procédure de médiation qui a
abouti à un désistement de
l'instance pendante devant le T.I. de Versailles, qu'au regard de la
position
prise par les autres organisations syndicales: CGT et CFDT dans les
tracts que celles-ci
ont elles-mêmes distribués en faveur de syndiqués
faisant l'objet de sanctions
du fait de leur volonté d'introduire dans le dialogue social un
nouveau
partenaire. Il a été justement fait remarquer que dans
son jugement en date du
28.03.00, le T.I. de Versailles a visé notamment la distribution
de tracts du
10.12.99 pour reconnaître la représentativité du
syndicat SUD.
Les dépens pour les mêmes
motifs seront mis à la charge de la société
RENAULT. Enfin, cette dernière sera condamnée en vertu de
l'article 700 NCPC au
nom de l'équité à indemniser le demandeur des
sommes exposées et non comprises
dans les dépens.
L’exécution provisoire est
compatible avec la nature du litige; aucune
urgence ne commande de l'ordonner.
PAR CES MOTIFS :
Le Conseil des; Prud'hommes .statuant
publiquement, par décision
contradictoire et en premier ressort :
Dit que Jean Pierre GUEGUEN a
illégalement distribué un tract à
en-tête du syndicat SUD RENAULT, non régulièrement
constitué, à la date du
10.12.99 ;
Par suite dit que la
société RENAULT SA a régulièrement
adressé un
avertissement à son salarié par courrier du 14.12.99 ;
Dit que le demandeur ne justifie pas du
caractère disproportionné ou
discriminatoire de la mesure prise à son encontre ;
En revanche dit que si Jean Pierre
GUEGUEN a illégalement distribué un
tract de nature syndical le 22.12.99, la mesure prise à son
encontre de mise à
pied d'une journée était disproportionnée ;
Dit que cette sanction doit être
annulée et que la SA RENAULT sera
condamnée à lui rembourser la somme de: 835,21 F avec
intérêts au taux légal à
compter du jugement ;
Dit que la SA RENAULT ne démontre
pas la réalité de la faute commise
en ce qui concerne les faits du 15.12.99 ;
Annule par suite la sanction prise
à l'encontre de J.P. GUEGUEN de ce
fait ;
Déboute les parties du surplus ;
Dit n 'y avoir lieu à
exécution provisoire ;
Met les dépens à la charge
de la société RENAULT et la condamne à
verser au demandeur la somme de 1.500F en vertu de l'article 700 NCPC.
Ainsi jugé et prononcé
à l'audience publique de ce jour.
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