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CONSEIL DE PRUD'HOMMES
DE VERSAILLES

5, Place André Mignot

78004 VERSAILLES CEDEX

JUGEMENT
Contradictoire
premier ressort


RG N° F 00/00299


SECTION Industrie (Départage section)


AFFAIRE


Jean-Pierre GUEGUEN


contre


SOCIETE RENAUL T


Notification le :

Date de la réception

par le demandeur :

par le défendeur :

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT

Audience publique du 11 Septembre 2001


Prononcé le 09 Octobre 2001


composée lors des débats et du délibéré de :


Madame Solène HUNTER-FALCK, Président Juge départiteur


Monsieur Claude MARCHAND, Assesseur Conseiller (E)

Monsieur Michel RIGUIDEL, Assesseur Conseiller (E)

Madame Joëlle ROUZIC-PATRAC, Assesseur Conseiller (S)

Monsieur Hemi SOUQUES, Assesseur Conseiller (S)

Assistés lors des débats de Madame Véronique CHASTANG, Greffier


ENTRE

Monsieur Jean-Pierre GUEGUEN

35 rue Savier

92240 MALAKOFF

Assisté de Me Thierry DOMAS (Avocat au barreau de PARIS)

 

DEMANDEUR


ET


SOCIETE RENAULT

Technocentre de Guyancourt

1 A venue du Golf

78288 GUYANCOURT CEDEX

Représentée par Me Yasmine T ARASEWICZ (Avocat au barreau de PARIS)

DEFENDEUR

Saisine du 27 Mars 2000.

2000.

Convocations de la partie défenderesse par le greffe (L.R.A.R. et L.S.) en date du 05 Avril 2000

Audience de conciliation du 23 Mai 2000

Les parties ont comparu.

Echec de la tentative de conciliation.

Renvoi de l'affaire devant le bureau de jugement du 19 Septembre 2000, par émargement des parties.

Ce jour, l'affaire fait l'objet d'un renvoi au 05 Décembre 2000, les parties dûment convoquées.

Affaire mise en délibéré pour prononcé à la date du 30 Janvier 2001.

Ce jour, le Conseil se déclare en partage de voix.

L'affaire a été renvoyée à l'audience de bureau de jugement du 11 Septembre 2001, présidée par le Juge Départiteur, les parties dûment convoquées.

Ce jour, les parties ont comparu comme indiqué en première page du présent jugement.

Affaire mise en délibéré pour prononcé à la date indiquée en première page.

Ce jour, le Conseil après en avoir délibéré, prononça le jugement suivant :

Jean-Pierre GUEGUEN a saisi le Conseil des Prud'hommes de Versailles par LRAR du 27.03.00 d'une demande à l'encontre de la SA RENAULT tendant à l'annulation de l'avertissement du 20.12.00 et de la mise à pied du 19. 01.00 avec rappel de salaire, et en paiement sur le fondement de l'article 700 NCPC de la somme de 2.500F. Les parties ont été convoquées à l'audience de conciliation du 23.05.00 par courrier du 05.04.00. L'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement à la date du 19.09.00, puis, après renvoi, à l'audience de départage du 11.09.01.

A cette audience, Jean-Pierre GUEGUEN a réitéré ses demandes initiales tout en chiffrant à 835,21F le montant du salaire correspondant à la journée de mise à pied; il a en outre sollicité l'annulation de l'avertissement du 14.12.99.

Il a rappelé qu'une section syndicale SUD RENAULT (Solidaires Unitaires Démocratiques) avait été constituée par la quasi-totalité des élus CFDT de l'entreprise le 09.12.99, lui même étant jusqu'alors délégué du personnel CFDT. Le responsable des relations sociales dans l'entreprise a accusé réception de cette déclaration le 10.12.99.

Les statuts du syndicat SUD RENAULT ont été déposés à la Préfecture des Yvelines les 16.12.99 et enregistrés au Répertoire Départementales des Syndicats Ouvriers le 20.12.99.

La société RENAULT a tenté d'entraver l'action de la section syndicale nouvellement créée :

- le 09.12.99 elle a fait modifier le code d'entrée de la porte du local syndical CFDT ;

- le 10.12.99 elle a changé le barillet de la porte de ce local sans la présence d'un représentant du personnel ;

- elle a adressé en outre aux salariés mentionnés sur le tract d'annonce de création de SUD une LRAR rappelant l'interdiction de l'utilisation du matériel de l'entreprise à des fins syndicales sous peine de sanctions disciplinaires ;

- elle a interdit le même jour la distribution de tracts par ces salariés aux entrées des quatre restaurants du Technocentre sous le motif que le syndicat SUD RENAULT n'existe pas et ce sous le contrôle d'un Huissier de Justice ;

- enfin, il a été tenté de mettre fin à la distribution de tracts effectuée à l'extérieur de l'enceinte de sécurité de la gare routière vers 16h45, en présence d'un Huissier ;

- un avertissement a été notifié le 14.12.99 aux salariés concernés au motif que :"SUD est une organisation syndicale non représentative au sein de l'établissement RENAULT Guyancourt Aubevoye. Cette distribution constatée par Huissier de Justice est donc illicite car réalisée en contravention avec l'article L 412-8 C. Trav . " ; Ces salariés sont menacés de sanctions plus lourdes en cas de récidive ;

-la direction de RENAULT a avisé les salariés concernés qu'elle leur conteste tout droit à intervenir lors de la réunion mensuelle du 17 décembre suivant, en leur qualité de délégués du personnel, la section syndicale SUD étant "inconnue à Guyancourt".

- Le 17.12. 99 était diffusé devant les restaurants d'entreprise Les Cascades et la Rotonde à partir de 12 heures un compte rendu de la réunion des délégués du personnel, sans qu'il soit mentionné le syndicat SUD ; il était signé par les salariés en leur qualité de délégués du personnel. L'arrêt de cette distribution était demandé sous contrôle d'un Huissier.

A la suite de cette diffusion, Jean Pierre GUEGUEN, Alain MARTINEZ et Bernard PUJKIS étaient convoqués le 23.12.99 pour un entretien préalable devant se tenir le 06.01.00, en application de l'article L 412-8 C. Trav. Une mise à pied d'une journée leur était notifiée le 12.01.00 au motif que: "Ce document évoque sans contestation possible la création d'un groupement ou organisation intitulé SUD qui n'a aucune existence légale dans l'établissement Renault de Guyancourt"

- La société RENAULT a contesté le 27.01.00 la désignation par le syndicat SUD de ses délégués syndicaux et représentant au CE effectuée le 13.01.00 ; par jugement rendu le 28.03.00, le T.I. de Versailles a déclaré le syndicat SUD RENAULT représentatif.

Jean Pierre GUEGUEN a invoqué la légalité de l'action syndicale entreprise au regard de l'existence du syndicat SUD RENAULT, déclaré représentatif au sein de l'établissement. L'article L 411-2 C. Trav. autorise la constitution des syndicats ou associations professionnelles tandis que l'article L 411-3 du même Code impose aux fondateurs de tout syndicat professionnel le dépôt des statuts auprès de l'administration. Cependant, l'action en justice dirigée à l'encontre d'un syndicat ayant clairement manifesté son existence de fait, sans que les formalités de dépôt en mairie aient été respectées, doit être déclarée recevable (C.Cass 21.07.86). Aux termes de l'article 2 L. 01.07.01, les associations mêmes non déclarées peuvent se prévaloir d'une existence légale (C.E. 21.04.97). Le Tribunal peut constater l'existence d'un syndicat en voie de formation en relevant chez les adhérents l'intention expresse de se grouper en vue d'exercer une activité syndicale commune (C.Cass 07.05.87). Il a enfin invoqué l'article 11 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

J.P. GUEGUEN a excipé d'un abus de droit visant à empêcher l'expression d'un nouveau syndicat, caractérisant la discrimination anti-syndicale telle que définie par les articles L 412-2 al 1 et L 122-45 C. Trav. Il a relevé que la concomitance de la sanction et de l'adhésion à un syndicat ou de la prise de fonction syndicale constitue pour la jurisprudence un indice de l'existence d'une discrimination anti-syndicale ; de même si l'employeur inflige une sanction disproportionnée à la faute commise; ou si l'employeur applique une différence de traitement entre les personnes et les organisations syndicales résultant de sanctions. La sanction prononcée doit être considérée comme discriminatoire si l'activité syndicale du salarié n'excède pas ses droits ou prérogatives.

En conséquence, les salariés pouvaient dès le 10.12.00, date de la création effective de leur syndicat et de sa notification à la direction, exercer une action syndicale normale comprenant une distribution de tract effectuée dans des conditions régulières; cependant ils ont été mis dans l'impossibilité d'exercer leurs mandats d'élus du personnel par le retrait des moyens habituels octroyés à ce titre par l'entreprise et ceci les a contraint à utiliser leur ligne téléphonique ou leur fax personnel; la notion de récidive à l'encontre de MM. MARTINEZ, GUEGUEN et PUJKIS a été retenue à tort. Il est estimé que l'attitude de la société RENAULT, constitutive d'un abus de droit visant à empêcher l'expression du nouveau syndicat, représente une pratique discriminatoire au sens de l'article L 412-2 al 1 C.Trav.

La SA RENAULT Etablissement de Guyancourt a précisé en réponse que J.P. GUEGUEN avait été engagé le 05.04.66 en qualité d'ajusteur. Elle s'est prévalue de la faute commise par son salarié, ayant distribué des tracts à en-tête du syndicat SUD dans l'enceinte de l'entreprise le 10.12.00, pour justifier l'avertissement qui lui avait été notifié le 14.12.99 avec mise en garde en cas de récidive. Ce dernier a en outre invité les salariés à le contacter à son numéro personnel professionnel dans un tract à en-tête du syndicat SUD et a adressé au responsable des relations sociales sur son fax personnel professionnel, une liste de questions à poser aux délégués du personnel le 15.12.99 ; ceci lui a valu un second avertissement le 20.12.00. Ayant à nouveau distribué devant les restaurants d'entreprise le 22.12.99 un document intitulé "Conte de Noël" évoquant la création du syndicat SUD, J.P. GUEGUEN a été convoqué à un entretien préalable par lettre du 23.12.99 ; il a fait l'objet d'un jour de mise à pied selon notification du 12.01.00.

Elle a soutenu que le droit de distribuer librement des tracts dans l' entreprise est reconnu aux seules organisations syndicales et non aux salariés pris individuellement.

- Or d'une part le syndicat SUD n'avait pas à cette date d'existence légale, ses statuts n'ayant été déposés que le 20.12.99 ; la société RENAULT a rappelé que le dépôt des statuts en mairie constituait une formalité substantielle conditionnant l'existence légale d'un syndicat (C.Soc. 07.05.87) ; dès lors le défaut d'exécution de cette formalité prive l'organisation syndicale d'exercer les droits reconnus par la loi aux syndicats ;

- d'autre part la représentativité du syndicat SUD n'était pas reconnue. Il ressort des dispositions combinées des articles L 412-8 et L 412-6 C.Trav., que seule une section syndicale constituée par un syndicat représentatif peut distribuer des tracts dans l'enceinte de l'entreprise aux heures d'entrée et de sortie du personnel.

Elle a en outre contesté toute forme de discrimination syndicale à l'encontre du syndicat SUD. Elle a indiqué qu'elle avait sanctionné par les avertissements donnés l'acte illégal commis par ses salariés, en l'absence de représentativité reconnue audit syndicat à l'époque des faits A cette date, les salariés en cause ne pouvaient exercer une "activité syndicale" .

La différence de traitement reprochée par ces derniers à la direction de l'établissement se justifie par le fait que les précédentes distributions de tracts avaient été réalisées au nom de syndicats représentatifs de plein droit.

Par ailleurs, elle a entendu préciser que l'accès au local syndical CFDT avait fermé compte tenu du changement d'affiliation des élus CFDT au profit du syndicat SUD .

Elle a rappelé que la société mettait à la disposition des représentants du personnel pour l' exercice de leur activité des moyens matériels au sein du local syndical; en revanche il est interdit aux salariés d'utiliser à des fins syndicales les moyens matériels mis à leur disposition pour le seul exercice de leur activité professionnelle. Or le syndicat SUD a invité les salariés par la voie d'un tract à ses adhérents sur leurs numéros personnels; une mise en garde a été adressée aux salariés se prévalant d'une affiliation SUD le 10.12.99.

La distribution de tracts en dehors de l'enceinte de l'entreprise n'a pas été sanctionnée.

Dès lors, la société RENAUL T n'a fait qu'user de son pouvoir général de direction.

Oralement, pour justifier sa démarche, le syndicat SUD a précisé avoir obtenu 20% des voix aux dernières élections professionnelles. Il a également été plaidé qu'il convenait de s'attacher à l'esprit des textes plutôt qu'à la lettre. Il a été indiqué que les délégués du personnel exerçaient leurs activités dans le local fermé autoritairement par la société, alors qu'ils n'avaient pas démissionné de leurs postes tout en ayant changé d'affiliation syndicale. Il est dans la pratique syndicale de distribuer des tracts à proximité des cantines, lieu de passage obligé des salariés, sans gêne pour le fonctionnement de l'entreprise, plutôt qu'aux nombreux lieux d'entrée-sortie du personnel, réservés aux "politiques".

SUR CE :

1) en ce qui concerne les faits du 10.12.99 :

Sur la réalité de la faute :

Il est reproché à J.P. GUEGUEN d'avoir distribué le 10.12.99 au sein de l'établissement un tract à en-tête d'un syndicat ni légalement constitué à cette date et ni reconnu comme représentatif dans l'entreprise.

Il est constant que si le syndicat SUD RENAULT s'est constitué le 09.12.99, les statuts de ce syndicat n'ont été visés par la Préfecture des Yvelines que le 16.12.99 soit postérieurement à la date de cette distribution.

Or, jusqu'au jour du dépôt de ses statuts, le syndicat SUD RENAULT n'avait pas d'existence légale. Il ne pouvait donc bénéficier des droits reconnus aux syndicats et plus particulièrement aux sections syndicales dans les articles L 412-6 et s. C. Trav.

Par suite, c'est illégalement que J.P. GUEGUEN a distribué le tract litigieux le 10.12.99; ce fait est constitutif d'une faute de nature à entraîner une sanction disciplinaire de la part de l’employeur.

Sur l'adéquation de la sanction :

Il appartient cependant au juge du fond de vérifier l'adéquation de la sanction au regard à la gravité de la faute commise par le salarié.

L'employeur est en droit de choisir la sanction qu' il envisage de prononcer sous réserve de toute discrimination et en respectant les dispositions du règlement intérieur de l'entreprise

En l'espèce, J.P. GUEGUEN a fait l'objet d'un avertissement par lettre du 14.12.99 motivé de la manière suivante :

"Le vendredi 10.12.99, entre 12hOO et 13h00, vous avez distribué, devant les 4 restaurants de l'établissement de Guyancourt qui sont situés à l'intérieur du site, un tract intitulé "de la CFDT à SUD" à en-tête de "SUD-Solidaires, Unitaires, Démocratiques".

Or, SUD est une organisation syndicale non représentative au sein de l'établissement Renault Guyancourt- Aubevoye. "

Cette distribution de tracts émanant d'une organisation syndicale non régulièrement constituée était illégale et pouvait dès lors justifier un avertissement écrit émanant de l'employeur, même si ce dernier ne produit pas le règlement intérieur de l'entreprise, qui aurait pu être applicable à l'espèce.

Par ailleurs, la discrimination syndicale invoquée, en ce qui concerne les mesures disciplinaires prises, n'est pas démontrée en l'état, à défaut pour le syndicat en cause d'apporter des éléments de comparaison dans le temps ou par rapport à la situation qui serait faite aux autres syndicats dans la même entreprise.

Il appartient en effet au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement tel que posé par l’article L 122-45 C. Trav .

L’employeur a rappelé à l’audience que les précédentes distributions de tracts avaient été réalisées au sein de l’établissement au nom de syndicats représentatifs de plein droit. Il a autoritairement fermé le local mis à la disposition de la section syndicale CFDT dès le 09.12 99 sur le site de Aubevoye, sans avertissement préalable, privant ainsi les délégués du personnel des moyens mis à leur disposition dans le local syndical. Un espace "algéco" leur a été ouvert par la suite. La société RENAULT a régulièrement rappelé aux salariés concernés notamment par courrier des 11.10.99 et 10.12.99, l'interdiction qui leur était faite d'utiliser le matériel qui leur était confié dans l'exercice de leurs fonctions et ce, à des fins syndicales. Si la société RENAULT a tenté de s'opposer le 10.12.99 à la distribution de tracts au niveau de la gare routière, qui n'est pas incluse dans le périmètre de l'établissement de Guyancourt ainsi qu'il ressort du plan du Technocentre, elle n'en a tenu aucun compte sur le plan disciplinaire

Ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir une pratique discriminatoire au sens des articles L 412-2 al 1er et L 122-45 C.Trav.

Il convient en conséquence de débouter J.P. GUEGUEN de sa demande en annulation de la sanction qui lui a été infligée.

2) en ce qui concerne les faits du 22.12.99 :

Sur la réalité de la.faute :

Il est encore reproché à Jean Pierre GUEGUEN d'avoir distribué le 22.12. 99 devant les restaurants de l'entreprise un document intitulé "Conte de Noël" évoquant la création du syndicat SUD.

Dans sa lettre suivant l'entretien préalable du 12.01. 99, précédent une éventuelle décision de sanction disciplinaire, le responsable des Relations Sociales de l'entreprise RENAULT lui reproche plus particulièrement la distribution d'un document évoquant "sans contestation possible, la création d'un groupement, ou organisation, intitulé SUD qui n'a aucune existence légale dans l'établissement Renault de Guyancourt. Par conséquent, la diffusion de ce document à l'intérieur d'un site de Renault est illégale". Il a été tenu compte du précédent avertissement adressé au salarié pour constater une récidive, conduisant la Direction de l'établissement à sanctionner les faits d'une mise à pied de une journée.

A la date du 22.12.99, les statuts du syndicat SUD RENAULT avaient été légalement déposés. Cependant, ce syndicat, ne bénéficiant d'aucune présomption de représentativité, n'avait pas encore été reconnu représentatif judiciairement

Conformément aux dispositions de l'article L 412-6 C.Trav., chaque syndicat représentatif peut décider de constituer au sein de l'entreprise une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres.

Les tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise dans l'enceinte de celle-ci aux heures d'entrée et de sortie du travail. Cette disposition vise l'un des moyens d'action dont dispose une section syndicale régulièrement constituée et affiliée à un syndicat reconnu représentatif dans l'établissement soit légalement soit judiciairement

Le tract intitulé "conte de noël" n'était pas rédigé à en-tête du syndicat SUD RENAULT, mais signé par ses fondateurs, en leur qualité d'élus du personnel, et il évoque de manière satyrique l'attitude de la Direction vis à vis de l'implantation de la section syndicale SUD ; il s'agissait dans ce document de mettre en garde les salariés non pas contre une dégradation de leurs conditions de travail, mais bien contre les difficultés d'exercice du droit syndical dans l'entreprise.

Il est établi par le constat d'huissier et les attestations fournies que ce tract de nature syndicale a été diffusé à l'intérieur de l'établissement.

En conséquence, cette distribution était illégale au sens de l'article L 412-8 C.Trav.

Sur l'adéquation de la sanction disciplinaire :

La distribution de tracts faite dans des conditions qui ne respecteraient pas les modalités fixées par la loi rend le salarié qui s'y est livré passible de sanctions disciplinaires.

Pour autant cette sanction doit rester proportionnée au regard de la faute commise et du contexte dans lequel se sont déroulés les faits.

Il ressort des éléments versés aux débats que la Direction a refusé tout dialogue avec les membres de la section syndicale nouvellement créée au sein de son établissement; elle a nié son existence dans les différents courriers adressés à ses adhérents et dans les faits en leur interdisant du jour au lendemain l'accès au local syndical qui était le leur jusqu'au changement d'affiliation. En lui interdisant tout moyen de s'implanter au sein de l'établissement, elle a favorisé un mouvement de défense de la part d'un certain nombre de salariés attachés à la liberté d'expression dans leur entreprise et à l'exercice de la liberté syndicale. Ceci s'est manifesté en particulier le 06.01.00 lors d'une manifestation de soutien en faveur des salariés convoqués à un entretien devant le Directeur du Personnel; mais également dans des tracts diffusés en toute légalité tant par la CGT que par la CFDT .

La mise à pied d'une journée, mesure de suspension temporaire du contrat de travail, et préalable éventuel à une sanction plus grave en cas de récidive, était disproportionnée dans ce contexte.

Elle n'avait pas pour autant le caractère de mesure discriminatoire puisqu'elle aurait eu pour objet de sanctionner tout action relevant d'un syndicat n'ayant aucune existence légale au sein de l'établissement. En effet les lettres adressées aux salariés sanctionnés relèvent ce motif essentiel à la mesure prise. Il appartient au pouvoir de direction de l'employeur d'éviter toute action syndicale illégale et non contrôlée et de faire respecter par ses employés l'autorité du chef d'entreprise, restée dans les limites imposées par la Loi.

Par suite il convient d'annuler la sanction prise à l'encontre de J.P. GUEGUEN pour les faits du 22.12.99.

3) en ce qui concerne les faits du 15.12.99 :

Sur la réalité de la faute :

Il est reproché plus particulièrement à J.P. GUEGUEN d'avoir utilisé à des fins syndicales le matériel mis à sa disposition par l'entreprise pour l'exercice de sa profession.

 

Un avertissement lui a été notifié le 20.12.99 et rédigé de la manière suivante :

"Par une LRAR en date du 10.12.99, je vous mettais en garde sur l'interdiction d'utiliser à des fins de mandats électifs le matériel que met l'établissement à votre disposition pour votre activité professionnelle.

Or le mercredi 15.12.99, vous m'avez fait parvenir une liste de questions posées par des délégués du personnel en vue de la réunion mensuelle de votre fax professionnel Le numéro de votre fax sur la partie supérieure de ce document en atteste."

La loi impose au chef d'entreprise de mettre à la disposition de chaque section syndicale un local convenable, aménagé et doté du matériel nécessaire à son fonctionnement.

En l'espèce il est ressorti des débats à l'audience que l'employeur a autoritairement fermé le local syndical CFDT le 09.12.99, ses adhérents l'ayant informé qu'ils avaient changé d'affiliation. Ils s’agissaient pour la plupart de délégués du personnel qui conservaient leurs mandats. Ils n'étaient dès lors plus en mesure de communiquer avec leur employeur en leur qualité d'élus au sein de l'entreprise, sinon en utilisant les moyens mis à leur disposition pour leur activité professionnelle. Les demandes transmises à l'employeur par J.P. GUEGUEN n'étaient pas de nature syndicale mais concernaient strictement le fonctionnement de l'entreprise. Par suite la SA RENAULT ne pouvaient interdire JP GUEGUEN, délégué du personnel, de lui transmettre une liste de questions sans références syndicales, et devant être débattues en présence de ses homologues, sur son fax professionnel, dans le cadre de son mandat électif.

La société RENAUL T SA ne démontre pas la réalité de la faute reprochée à son salarié.

En conséquence, la sanction prononcée doit être annulée.

Il ne sera pas fait droit à la demande formée par la société RENAULT sur le fondement de l' article 700 NCPC ; cette dernière a maintenu en effet des sanctions, certes formellement justifiées, mais inopportunes tant au regard de l'évolution de la procédure de médiation qui a abouti à un désistement de l'instance pendante devant le T.I. de Versailles, qu'au regard de la position prise par les autres organisations syndicales: CGT et CFDT dans les tracts que celles-ci ont elles-mêmes distribués en faveur de syndiqués faisant l'objet de sanctions du fait de leur volonté d'introduire dans le dialogue social un nouveau partenaire. Il a été justement fait remarquer que dans son jugement en date du 28.03.00, le T.I. de Versailles a visé notamment la distribution de tracts du 10.12.99 pour reconnaître la représentativité du syndicat SUD.

Les dépens pour les mêmes motifs seront mis à la charge de la société RENAULT. Enfin, cette dernière sera condamnée en vertu de l'article 700 NCPC au nom de l'équité à indemniser le demandeur des sommes exposées et non comprises dans les dépens.

L’exécution provisoire est compatible avec la nature du litige; aucune urgence ne commande de l'ordonner.

PAR CES MOTIFS :

Le Conseil des; Prud'hommes .statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort :

Dit que Jean Pierre GUEGUEN a illégalement distribué un tract à en-tête du syndicat SUD RENAULT, non régulièrement constitué, à la date du 10.12.99 ;

Par suite dit que la société RENAULT SA a régulièrement adressé un avertissement à son salarié par courrier du 14.12.99 ;

Dit que le demandeur ne justifie pas du caractère disproportionné ou discriminatoire de la mesure prise à son encontre ;

En revanche dit que si Jean Pierre GUEGUEN a illégalement distribué un tract de nature syndical le 22.12.99, la mesure prise à son encontre de mise à pied d'une journée était disproportionnée ;

Dit que cette sanction doit être annulée et que la SA RENAULT sera condamnée à lui rembourser la somme de: 835,21 F avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Dit que la SA RENAULT ne démontre pas la réalité de la faute commise en ce qui concerne les faits du 15.12.99 ;

Annule par suite la sanction prise à l'encontre de J.P. GUEGUEN de ce fait ;

Déboute les parties du surplus ;

Dit n 'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Met les dépens à la charge de la société RENAULT et la condamne à verser au demandeur la somme de 1.500F en vertu de l'article 700 NCPC.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique de ce jour.

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